Tchad : l’opposant Succès Masra accusé d’incitation à la haine et auditionné par la police

L’ancien Premier ministre tchadien Succès Masra, figure de l’opposition et président du parti Les Transformateurs, a passé la journée de mardi 20 mai en audition devant la police judiciaire. Il est visé par de lourdes accusations, notamment "incitation à la haine, à la révolte", "constitution et complicité de bandes armées", ainsi que "complicité d’assassinat", "incendie volontaire" et "profanation de sépultures".

Ces poursuites interviennent dans un contexte tendu au Tchad, quelques jours après un massacre survenu mercredi à Mandakao, dans le Logone-Occidental, au sud-ouest du pays. Quarante-deux personnes, principalement des femmes et des enfants, y ont été tuées. La justice soupçonne M. Masra d’avoir provoqué cette tragédie, en se basant sur un message audio en langue ngambaye datant de mai 2023, dans lequel il appelle à l’usage d’armes à feu pour l’autodéfense : « Apprenons-nous les uns et les autres à utiliser une arme à feu. Que ce soit fille ou garçon, que ce soit femme ou homme… soyons tous des boucliers protecteurs. »

Pourtant, ses avocats rappellent que l'ancien chef du gouvernement a bénéficié d’une loi d’amnistie générale à la suite de l’accord politique de Kinshasa signé en février 2024. Ce texte visait à apaiser les tensions politiques et à favoriser une réconciliation nationale, après des mois de crise.

Les défenseurs de Succès Masra n'ont pas commenté le fond du dossier, mais ont indiqué qu’il devrait être déféré au parquet ce mercredi 21 mai 2025.

Le sud du Tchad, région vulnérable

Le sud du Tchad, notamment le Logone-Occidental, reste une région particulièrement vulnérable aux conflits intercommunautaires. Selon les Nations unies, ces violences sont souvent liées à la cohabitation difficile entre agriculteurs et éleveurs, aggravée par la raréfaction des ressources naturelles comme les pâturages et les terres cultivables. Le pays reste marqué par des tensions ethniques persistantes, notamment entre les populations majoritairement chrétiennes et animistes du sud et certaines communautés musulmanes du nord, accusées de monopoliser le pouvoir.

La procédure judiciaire visant une figure de l’opposition aussi emblématique que Succès Masra pourrait raviver les divisions dans un pays en quête de stabilité après une transition politique difficile.