Tchad : la justice menace les journalistes enquêtant sur le massacre de Mandakao

Actus. Le parquet de N'Djamena a averti samedi 14 juin qu’il engagerait des poursuites contre les journalistes ou militants se rendant sur les lieux du massacre de Mandakao.

Tchad : la justice menace les journalistes enquêtant sur le massacre de Mandakao
Cette déclaration intervient alors que la liberté de la presse est déjà mise à mal au Tchad - Pixabay

Au Tchad, les autorités judiciaires haussent le ton. Dans un communiqué publié samedi 14 juin en soirée, le procureur de la République de N'Djamena, Oumar Mahamat Kedelaye, a mis en garde contre toute enquête parallèle menée par des journalistes ou des acteurs de la société civile sur le massacre de Mandakao, survenu en mai dernier dans le sud-ouest du pays. Il menace de poursuites judiciaires toute personne se rendant sur les lieux sans autorisation officielle.

Selon les autorités, 42 personnes ont péri dans cette attaque, en majorité des femmes et des enfants issus de la communauté peule. Le drame, survenu dans un contexte de tensions agro-pastorales entre éleveurs et agriculteurs dans la région, suscite une forte émotion, mais aussi de nombreuses interrogations que certains journalistes et militants tentent d’élucider par leurs propres moyens.

Une affaire sensible dans un climat répressif

Le procureur estime que ces démarches indépendantes « empiètent sur les fonctions judiciaires », et prévient qu’elles pourraient entraîner des poursuites pour entrave à la justice. Cette déclaration intervient alors que la liberté de la presse est déjà mise à mal dans le pays.

En mars, trois journalistes tchadiens, dont Olivier Mbaindinguim Monodji, correspondant de Radio France Internationale et directeur de l’hebdomadaire Le Pays, ont été arrêtés. Ils sont accusés de collusion avec le groupe paramilitaire russe Wagner, des faits qu’ils contestent. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) et Reporters sans frontières (RSF) ont dénoncé une « vague de répression » et exigent un procès équitable.

Un contexte politique explosif

L’affaire de Mandakao a aussi des répercussions politiques. L’ancien Premier ministre et chef de l’opposition, Succès Masra, a été incarcéré en mai pour « incitation à la haine » en lien avec ce massacre. Candidat malheureux à la présidentielle de 2024, il avait dénoncé l’inaction des autorités.

Depuis son élection en mai 2024 dans un scrutin jugé opaque et contesté, le président Mahamat Idriss Déby Itno, fils du défunt président Idriss Déby, a renforcé son pouvoir à l’issue des élections législatives et locales de décembre, boycottées par une grande partie de l’opposition.

Des violences intercommunautaires récurrentes

Le massacre de Mandakao s’inscrit dans un cycle de violences entre éleveurs peuls et agriculteurs Ngambayes, souvent liés à des litiges fonciers. D’après l’International Crisis Group, ces conflits agro-pastoraux ont fait plus de 1.000 morts et 2.000 blessés entre 2021 et 2024.

Alors que les tensions montent, la volonté du pouvoir de restreindre l’accès à l’information risque d’accentuer les crispations dans un pays déjà fragile, où liberté de la presse et justice indépendante peinent à se faire entendre.

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