Outre-mer : entre précarité énergétique et absence de stratégie nationale claire

Actus. Malgré les mécanismes de solidarité nationale comme la péréquation tarifaire, les départements d’outre-mer continuent de faire face à des inégalités criantes en matière d’accès à l’énergie. Gouvernance éclatée, infrastructures inadaptées, transition énergétique mal calibrée : les territoires ultramarins subissent de plein fouet les limites d’un modèle métropolitain pensé sans eux. Alors que les besoins sont urgents, l’absence de stratégie claire et de coordination entre les acteurs laisse ces espaces dans une précarité énergétique chronique selon l'institut Terram.

Outre-mer : entre précarité énergétique et absence de stratégie nationale claire
La précarité énergétique en Outre-mer, fait face à une gouvernance fragmentée et des solutions inadaptées aux contraintes locales. - Flickr

À La Réunion, certaines éoliennes sont à l’arrêt pour préserver la faune, en Guyane, le gaz butane est acheminé à prix d’or sur des pirogues, et Mayotte doit composer avec un réseau électrique instable. Ces exemples illustrent les profondes inégalités d’accès à l’énergie et la précarité énergétique que subissent les départements d’outre-mer (DOM).

Malgré les efforts de l’État français dans ces zones non interconnectées (ZNI), produire et distribuer de l’électricité y relève d’un véritable "défi logistique, technologique et politique", comme le souligne l’Institut Terram dans son rapport paru en juillet.

Un système de gouvernance éclaté et inefficace

Le coût réel de production pouvant atteindre jusqu’à dix fois celui de l’Hexagone est compensé par la péréquation tarifaire, financée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), afin de garantir un prix identique à celui de la métropole. Mais cette compensation ne résout pas les dysfonctionnements structurels.

"Le pilotage énergétique des ZNI souffre d’une gouvernance éclatée" indique le rapport. Le ministère des Outre-mer, bien qu’ayant une vision globale des territoires, ne dispose d’aucune compétence opérationnelle en matière énergétique, domaine coordonné par le ministère de la Transition écologique. Cette fragmentation entre différents niveaux institutionnels engendre une accumulation de décisions court-termistes et de solutions inadaptées insiste l'institut.

La Délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer (Diecfom), censée assurer une meilleure collaboration des politiques publiques ultramarines, illustre ce vide stratégique. Epinglée par la Cour des comptes pour son manque de mandat clair et son inefficacité, elle est aujourd’hui en voie de disparition, symptôme d’un système sans direction ni vision d’ensemble relève l'autrice du rapport Lova Rinel, commissaire à la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Des modèles métropolitains inadaptés aux réalités locales

Cette absence de stratégie cohérente se répercute directement sur le terrain, notamment dans le déploiement des énergies renouvelables. En Guyane, à La Réunion ou aux Antilles, les solutions photovoltaïques se heurtent à des obstacles bien identifiés : corrosion accélérée des composants due à l’humidité, baisses de rendement causées par la couverture nuageuse, maintenance coûteuse et difficilement mutualisable, ou encore stockage peu performant dans des climats chauds et humides.

À cela s’ajoutent des coupures d’électricité fréquentes, des infrastructures vieillissantes ou inadaptées, une dépendance persistante aux énergies fossiles, et un isolement des bénéficiaires. Comme le souligne Lova Rinel, ces problèmes ne relèvent pas seulement de contraintes techniques, mais révèlent surtout une inadéquation des modèles de transition énergétique importés depuis les centres décisionnels continentaux.

Un besoin urgent de stratégie coordonnée et de vision partagée

Conçus pour des territoires métropolitains denses et technologiquement accessibles, ces modèles ignorent les spécificités des ZNI : dispersion de l’habitat, accès difficile, aléas climatiques fréquents. Les solutions actuelles, souvent pilotées sans coordination réelle entre l’État, les élus, l’Europe et les opérateurs, peinent à répondre aux besoins locaux.

Ainsi, malgré les efforts financiers, les inégalités persistent, faute d’une stratégie industrielle claire et d’une gouvernance unifiée capable de porter une véritable ambition énergétique pour les territoires ultramarins.

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