Quatre jours après la présidentielle du 12 octobre, le Cameroun attend toujours les résultats officiels. Tandis que le président sortant Paul Biya brigue un huitième mandat, le candidat Issa Tchiroma Bakary a revendiqué sa victoire, provoquant une vive réaction du gouvernement. Le journaliste et auteur camerounais Jean-Bruno Tagne, spécialiste des questions électorales, décrypte une situation tendue et inédite.
Ecoutez Jean-Bruno Tagne
Une revendication “attendue” mais risquée
Pour Jean-Bruno Tagne, l’annonce d’Issa Tchiroma Bakary n’a pas surpris grand monde. “L’attitude d’Issa Tchiroma était quand même attendue, il a été pressé de le faire par la foule, parce qu’il y a eu quand même, au regard d’un certain nombre de procès-verbaux et de dépouillements dans plusieurs bureaux de vote, un raz-de-marée pour Issa Tchiroma”,estime Jean-Bruno Tagne.
Issa Tchiroma Bakary se déclare vainqueur de l'élection présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun....
— Annie Payep (@AnniePayep) October 14, 2025
Demande à Paul Biya de l'appeler pour le féliciter...
"J'ai vu un Cameroun debout"#Etoudi2025 #237Vote #Présidentielle2025 pic.twitter.com/Mr6s3Fe5Z7
Selon le journaliste, cette conviction d’avoir remporté le scrutin est largement partagée parmi la population : “Cette conviction n’est pas uniquement celle d’Issa Tchiroma, c’est également celle de nombreux Camerounais. Les réseaux sociaux ont joué un très grand rôle, diffusant chaque jour des vidéos de dépouillements où Issa Tchiroma apparaît en tête, au Cameroun comme à l’étranger.” Une perception populaire renforcée par le silence du Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats officiels. “Beaucoup ne comprennent pas pourquoi on doit attendre autant de temps”, note Jean-Bruno Tagne.
Une tension palpable dans tout le pays
Depuis dimanche, les foules rassemblées autour d'Issa Tchiroma Bakary impressionnent autant qu’elles inquiètent. “On ne peut pas être serein face à ce niveau de tension, parce que les foules qui protègent Issa Tchiroma sont assez impressionnantes”, observe Jean-Bruno Tagne. “Même pendant la campagne, il a drainé des foules incroyables. Si ces mêmes foules se mobilisent pour défendre ce qu’elles considèrent comme une victoire, cela peut être très gênant.” L’auteur du livre Accordée avec fraude : de Ahidjo à Biya, comment sortir du cycle des élections contestées estime que le pouvoir redoute un scénario de confrontation.
“Je pense que le pouvoir est assez inquiet de la situation, car le désir de changement des Camerounais semble profond.”
Un précédent qui hante le pouvoir
Mais en revendiquant la victoire avant la proclamation officielle, Issa Tchiroma prend un risque considérable.
“Il est évident qu’en s’autoproclamant vainqueur, Issa Tchiroma prend un gros risque”, rappelle Tagne. “Vous vous souvenez que Maurice Kamto avait fini en prison avec quelques-uns de ses partisans en 2018 après avoir annoncé sa victoire. Des partisans de Kamto sont encore en détention aujourd’hui.” rappelle Jean-Bruno Tagne.
Cette sortie d’Issa Tchiroma, perçue comme une provocation par le gouvernement, pourrait donc rallumer la mèche d’un conflit politique latent. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a déjà dénoncé une “démarche conspirationniste”, rappelant qu’il est illégal de proclamer des résultats avant le Conseil constitutionnel.
Réécoutez le grand débat d'Africa Radio sur l'élection présidentielle au Cameroun
Un pays suspendu à la décision du Conseil constitutionnel
Dans un climat de méfiance généralisée, le Cameroun retient son souffle. Les résultats officiels devraient être annoncés dans les prochains jours, mais la tension ne faiblit pas. Comme le souligne Jean-Bruno Tagne, “le pays reste prisonnier d’un cycle d’élections contestées”, dont personne ne semble encore savoir comment sortir.
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