Dans un entretien accordé à notre rédaction, Abdelmalek Alaoui, analyste politique et président de l’Institut marocain d’Intelligence Stratégique, revient sur la vague de contestation menée par le collectif GenZ 212 et analyse les réponses du gouvernement marocain. Pour lui, cette mobilisation exprime « une impatience sociale réelle » mais s’inscrit dans un pays où « la monarchie reste le garant de la stabilité ». Il appelle à une vigilance accrue et à un renouvellement profond de la vie politique pour répondre aux attentes de la jeunesse.
Ecoutez Abdelmalek Alaoui
Une jeunesse impatiente face à un système politique jugé « sclérosé »
Pour Abdelmalek Alaoui, le mouvement GenZ 212, qui mobilise depuis fin septembre des milliers de jeunes dans tout le pays, n’est pas une surprise. « C’est une dynamique qui traduit une forme d’impatience de la génération Z par rapport notamment aux chantiers sociaux et de la santé », explique-t-il. Un mouvement né sur les réseaux sociaux et sans leadership identifié, ce qui a facilité sa propagation : « c’est un mouvement spontané qui s’est fait connaître rapidement ces dernières semaines ».
Mobilisation en solidarité au mouvement #GenZ212 🇲🇦 à Paris, Place de la République pic.twitter.com/UakIwl5gTh
— GenZ212 France (@GENZ212FR) October 18, 2025
Face à cette mobilisation, le gouvernement marocain a annoncé dimanche une série de mesures destinées à encourager l’engagement politique des jeunes, notamment en facilitant leur accès aux élections et en réformant les partis politiques. Une tentative de réponse à un problème structurel, estime Abdelmalek Alaoui : « Le désengagement de la jeunesse dans la politique est véritablement le nœud gordien du Maroc de ces trente ou quarante dernières années. Les partis politiques sont perçus comme bloqués, sclérosés, incapables de se renouveler. »
Selon lui, ce vide laissé par la classe politique a favorisé l’émergence d’une contestation hors cadre institutionnel : « Le gouvernement a essayé d’apporter une réponse là où les partis politiques ont échoué à canaliser cette jeunesse. »
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« La monarchie joue le temps long, mais la vigilance reste nécessaire »
Le 10 octobre dernier, le roi Mohammed VI s’est exprimé publiquement alors que la contestation commençait à faiblir. Mais son discours n’a pas mentionné explicitement le mouvement des jeunes, une absence remarquée par certains observateurs. Pour Abdelmalek Alaoui, cette posture est cohérente avec la fonction institutionnelle du souverain :
« Le roi du Maroc est comme une quille pour un navire : il assure la stabilité du pays. Il ne peut pas apporter des réponses conjoncturelles, c’est le rôle de l’exécutif depuis la réforme constitutionnelle de 2011. »
Si les manifestations se sont effondrées en nombre – « samedi dernier, ils étaient quelques dizaines » – l’analyste appelle à ne pas sous-estimer le signal envoyé : « cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas être extrêmement vigilant. Lorsque la jeunesse s’exprime, il faut lui apporter des réponses. »
Entre croissance économique et justice sociale, un équilibre difficile
Dans son article publié récemment dans Le Figaro, «La jeunesse marocaine à l’épreuve du temps long» Abdelmalek Alaoui écrivait que le Maroc est traversé par une tension permanente entre « modernité industrielle et fragilités sociales ». Une analyse qu’il maintient : « Le Maroc ne fait pas exception parmi les pays à revenus intermédiaires. Le défi est de continuer à tirer l’économie vers le haut tout en répondant à des attentes sociales de plus en plus fortes".
Le Maroc, sa jeunesse, son histoire, sa méthode et ses perspectives. Retrouvez mon analyse dans @Le_Figaro https://t.co/G32nrNdnyz
— abdelmalekalaou (@Abdelmalekalaou) October 17, 2025
Selon lui, les réformes annoncées doivent être jugées sur leur capacité à réduire les inégalités territoriales et sociales : « Même si la jeunesse est impatiente, les réformes ont besoin de temps pour infuser et transformer durablement le visage socio-économique du Maroc. »
La contestation de la GenZ 212 est le symptôme d’une nouvelle exigence citoyenne au Maroc : plus de transparence, plus d’efficacité sociale et un véritable renouvellement politique. Si le gouvernement tente d’apporter des réponses, Abdelmalek Alaoui rappelle que seule une refondation du lien entre l’État et la jeunesse pourra éviter que la fracture ne se creuse davantage.
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