Vingt ans après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre 2005, la douleur et la colère restent intactes. Fondateur et porte-parole du collectif ACLEFEU, Mohamed Mechmache revient sur ce drame qui a embrasé la France pendant trois semaines et marqué une génération. Pour lui, rien n’a changé dans les quartiers populaires : “Nous ne sommes toujours pas entendus.” déclare-t-il.
Ecoutez Mohamed Mechmache
“Une pensée pour les familles, ce drame nous a brisés”
À l’évocation de ce 27 octobre 2005, l’émotion est toujours vive. Mohamed Mechmache se souvient d’abord des victimes :
“On a surtout une pensée pour la famille de Zyed et Bouna, et Mutin, le troisième, qui est le survivant de ce drame, et qui malheureusement a complètement été bousillé après. On a une pensée pour eux.”
Le décès des deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF en tentant d’échapper à un contrôle de police a provoqué un choc à Clichy-sous-Bois. Pour Mechmache, il ne s’agit pas d’un simple fait divers, mais d’un traumatisme collectif.

“On a vécu une violence psychologique extrême”
Lui qui a grandi dans le quartier raconte la violence des premières nuits d’émeutes :
“J’ai vécu cela difficilement. Je connaissais Zyed et Bouna, ils nous renvoyaient de la joie de vivre. (…) Cette période a été très compliquée, surtout les nuits de révolte sociale. Elles ont duré 6 nuits à Clichy-sous-Bois. C’étaient des moments douloureux, physiquement et psychologiquement.” affirme Mohamed Mechmache. Les images restent gravées :
“Quand vous voyez en bas de chez vous des CRS, des hélicoptères qui tournent au-dessus de votre tête, des jeunes qui crient… Ça brûle, ça tire ! Des pères de famille qui longeaient les murs pour rentrer chez eux… On a essayé de faire face en étant présents toutes les nuits pour éviter que d’autres gamins sortent.”
Zyed et Bouna, symboles d’un ras-le-bol national
Pour Mohamed Mechmache, si l’émotion dépasse aujourd’hui Clichy-sous-Bois, c’est parce que ce drame incarne une injustice structurelle :
“Zyed et Bouna sont les symboles d’un ras-le-bol, d’une génération entière. Les 20 ans ne se cantonnent plus à Clichy : il y a une reconnaissance nationale.”
“Vingt ans après, rien n’a changé”
Le collectif ACLEFEU, né dans la foulée du drame, avait sillonné la France en 2006 avec un “cahier de doléances” recueillant la parole des habitants des quartiers. Mais selon Mohamed Mechmache, l’État n’a pas tenu compte de ce travail :
“On a porté 130 propositions, mais on n’a pas été entendus. J’ai mené deux rapports ministériels et aucune mesure n’a été retenue. Notre parole ne compte pas. On nous considère comme des citoyens à part".
— Jean-Pierre Mignard (@jpmignard) October 26, 2025
“Les mots de Nicolas Sarkozy ont blessé une génération”
Mohamed Mechmache n’a rien oublié non plus des déclarations de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur concernant “la racaille” et le “karcher”
“Ses mots sonnent violemment. Au lieu de protéger tous les citoyens, il a stigmatisé une partie de la population. Cela a alimenté un sentiment d’abandon et de colère".
Nos banlieues ne sont pas un Problème, mais bien une partie de la Solution! Faisons leurs confiance! pic.twitter.com/xZNubXM6SO
— Mohamed Mechmache (@mechmac2) October 30, 2015
“L'État n’a pas retenu les leçons de 2005”
Pour Mohamed Mechmache, la France refait les mêmes erreurs :
“L’État n’a pas retenu les leçons. Rien n’a été fait sur la justice sociale, l’égalité, la police, le logement, l’éducation. C’est dommage que nos analyses aient été ignorées.”
Alors que Clichy-sous-Bois commémore ce triste anniversaire, il appelle à ne pas oublier.
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