Après le siège de Kano, les survivants racontent

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KANO (Nigeria) (AFP) - (AFP)

Au son de l'explosion, l'officier de police Wellington Asiayei a couru.Il a appelé un collègue à le suivre mais celui-ci a dégainé et l'a atteint à la poitrine.C'était un assaillant déguisé, raconte-t-il depuis son lit d'hôpital de Kano, dans le nord du Nigeria.

Sa colonne vertébrale a été touchée et ce père de cinq enfants, âgé de 48 ans, ne peut pour l'instant plus bouger.

Il est l'un des nombreux blessés de la vague d'attaques coordonnées qui a déferlé vendredi sur la deuxième ville du pays, quand une vingtaine d'explosions ont retenti et des fusillades ont éclaté.Au moins 185 personnes ont été tuées.

Le groupe islamiste Boko Haram, responsable de nombreux attentats meurtriers depuis des mois, a revendiqué cet assaut spectaculaire.Son plus meurtrier depuis sa réapparition en 2010.

Parmi au moins huit sites ciblés à Kano figuraient plusieurs bureaux de police et deux antennes de l'immigration.

"Je l'ai vu pointer son arme sur moi", raconte l'agent Asiayei.L'assaillant avait une vingtaine d'années, un uniforme de la police et une AK 47. Plusieurs témoins ont fait état de tueurs habillés en policier.

"J'ai su que j'étais atteint à la poitrine.Je me suis effondré.Il n'y avait personne pour me secourir".La ville venait de plonger dans le chaos.

La première explosion a retenti vers 17H00.Un kamikaze venait de se faire sauter aux abords du QG régional de la police.

"Il y en a eu une deuxième, puis une troisième (...) je n'arrêtais pas d'entendre des explosions", témoigne le docteur Aminu Zakari Mohammed, directeur médical de l'hôpital Aminu Kano.

Certains affirment avoir arrêté de compter tant il y avait de déflagrations.Les violences ont duré plusieurs heures.Pris de panique, des habitants ont fui.Des bâtiments étaient en flammes et d'épaisses colonnes de fumée s'élevaient de plusieurs quartiers de la principale ville du nord du Nigeria.

Le docteur Mohammed a vite alerté son personnel des urgences.Et petit à petit, les blessés et les morts ont commencé à affluer.Le samedi, des cadavres, par dizaines, jonchaient les rues désolées et désertes de Kano.Des équipes de secouristes ont passé la journée à les ramasser.

Cent dépouilles empilées à la morgue

Plus de cent dépouilles ont été empilées à la morgue du principal hôpital de la ville.Celle d'Aminu Kano était remplie.

D'après les témoins et la police, les assaillants, qui auraient été jusqu'à une centaine, se déplaçaient à pied, à moto et en voiture.Ils ont notamment jeté des bombes artisanales et ouvert le feu sur une antenne des services de l'immigration.

A quelques rues de là, ils ont entièrement détruit un commissariat.Le bâtiment a brûlé, son toit de tôle s'est effondré et des voitures calcinées sont encore visibles à l'extérieur.

Monday Joseph, 29 ans, a été pris dans cet assaut.En voiture avec quatre autres personnes, il rentrait chez lui quand il a entendu une explosion.Il est alors sorti du véhicule.

Blessé par balle à la jambe, il est soigné dans un hôpital.Il n'a pas vu qui tirait.Ses quatre compagnons sont morts.

Dans un autre hôpital, le caporal Muazzam Aminu, également blessé par balle, tente péniblement d'articuler quelques phrases.Il se trouvait au QG régional de la police quand une moto a forcé le portail d'entrée.

Ce survivant de 37 ans est visiblement épuisé et traumatisé."Même le véhicule a explosé", dit-il, dans un récit hachuré, sa femme à ses côtés.

L'une des attaques les plus violentes s'est déroulée dans le quartier où se situe le bureau de police où l'agent Wellington Asiayei a été blessé.

Des témoins ont affirmé qu'un kamikaze avait tenté d'attaquer un convoi de la police avant d'abandonner son véhicule et de se faire abattre.Sa voiture a explosé.

Quelques jours après ces attaques, personne, à Kano, ne semblait être en mesure de dire pourquoi tout cela s'était produit.

Depuis des mois, certains s'interrogent sur d'éventuels liens entre Boko Haram et la branche maghrébine d'Al Qaïda.Beaucoup estiment cependant que le groupe est davantage lié à des problématiques nigérianes, politiques notamment.

Le pays le plus peuplé d'Afrique, également premier producteur de pétrole du continent, est gangrené par une corruption qui entrave largement son développement.

"Nous ne savons même pas ce qu'ils veulent", lance un vendeur de téléphones portables à Kano, rescapé."Je ne crois pas que ces personnes luttent pour une religion".

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