Les soldats français et maliens ont pris lundi le contrôle des accès et de l'aéroport de la cité mythique de Tombouctou, dans le nord du Mali, où les groupes islamistes armés ont brûlé un bâtiment contenant de précieux manuscrits avant de prendre la fuite.
Les militaires ont opéré une manoeuvre conjointe, terrestre et aérienne, avec largage de parachutistes, pour contrôler les accès de Tombouctou, ville-phare de l'islam en Afrique subsaharienne, située à 900 km au nord-est de Bamako, a précisé à Paris le porte-parole de l'état-major des armées françaises.
Français et Maliens contrôlent désormais la "Boucle du Niger", entre les deux principales villes du Nord du Mali, Tombouctou et Gao, au dix-huitième jour de l'intervention française, selon le colonel Thierry Burkhard.
"Nous contrôlons l'aéroport de Tombouctou.Nous n'avons rencontré aucune résistance.Il n'y a aucun problème de sécurité en ville", a confirmé à l'AFP un officier supérieur de l'armée malienne.
Mais les témoignages se multiplient sur la destruction de manuscrits à Tombouctou, devenue la capitale intellectuelle et spirituelle de l'islam en Afrique aux XVème et XVIème siècles, et une prospère cité caravanière.
"Les troupes françaises et maliennes ne sont pas encore au centre-ville.Nous avons quelques éléments en ville, peu nombreux.Mais les islamistes ont fait des dégâts avant de partir.Ils ont brûlé des maisons et des manuscrits", a assuré un membre d'une unité de reconnaissance de l'armée malienne, entré dans Tombouctou.
Une source malienne de sécurité a fait état d'un "bâtiment abritant les manuscrits, brûlé".Ces témoignages ont été confirmés par le maire de Tombouctou, Halley Ousmane, qui se trouvait à Bamako.
"J'ai eu ce matin mon chargé de communication au téléphone.Ce qui se passe à Tombouctou est dramatique", a souligné l'élu."Le centre Ahmed Baba où se trouvent des manuscrits de valeur a été brûlé par les islamistes.C'est un véritable crime culturel", a-t-il dénoncé.
Certains des manuscrits de Tombouctou remontent à l'ère pré-islamique.L'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba abrite entre 60.000 et 100.000 manuscrits, selon le ministère malien de la Culture.
L'opération sur Tombouctou survient deux jours après la prise, lors d'une offensive éclair, de Gao, plus importante ville du nord du Mali et un des bastions des combattants islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.
"Les choses se passent comme prévu et ce qui est important c'est que le Mali, petit à petit, est libéré" des groupes liés à Al-Qaïda qui, en 2012, avaient transformé sa partie nord en sanctuaire, a souligné lundi le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.
A Tombouctou comme à Gao, d'intenses frappes aériennes ont précédé l'action des troupes au sol.
La reconquête de Gao avait été précédée d'une opération commando de l'armée française sur l'aéroport et un pont stratégique.Et elle avait été suivie de l'arrivée, par voie aérienne, de troupes tchadiennes et nigériennes venues de Niamey pour sécuriser la ville, une opération que l'armée française semble réticente à mener dans les villes reprises aux groupes islamistes armés.
Regards tournés vers Kidal
Des soldats tchadiens et nigériens contrôlaient aussi lundi les villes de Ménaka et Anderamboukane (nord-est), près de la frontière avec le Niger, selon des sources militaires régionales.
Plus de 6.000 soldats ouest-africains et tchadiens doivent à terme être déployés au Mali pour prendre le relais de l'armée française, mais ils n'arrivent qu'au compte-gouttes et leur déploiement est ralenti par de sérieux problèmes de financement et de logistique.
La reconquête du Nord du Mali s'accompagne de craintes d'actes de vengeance contre les islamistes, qui ont commis de nombreux crimes: amputations, lapidations, exécutions, et à Tombouctou, destruction de nombreux mausolées de saints musulmans.
L'ONG Human Rights Watch (HRW) a d'ailleurs demandé lundi aux autorités maliennes de prendre "des mesures immédiates" pour "protéger tous les Maliens de représailles", évoquant "des risques élevés de tensions inter-ethniques" dans le Nord, où la rivalité est forte entre communautés arabe et touareg d'un côté, noire de l'autre.
"Nous avons déjà constaté des représailles (...) et le départ en exil de milliers de personnes qui craignent pour leur vie", a déclaré Corinne Dufka, de HRW.
Après Gao et Tombouctou, les regards se tournent désormais vers Kidal, dans l'extrême nord-est malien, non loin de la frontière algérienne, la troisième grande ville du Nord du Mali et fief des islamistes d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam).
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes armés, Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Dine et l'Algérien Abou Zeid, l'un des émirs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), se sont réfugiés dans les montagnes de Kidal, à 1.500 km de Bamako, où des positions islamistes ont été bombardées samedi par des avions français.
"Les groupes terroristes pratiquent une statégie d'évitement (...).Nous ne voulons pas nous enliser", a assuré à Paris Laurent Fabius.
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