Le président nigérian Goodluck Jonathan a ordonné l'ouverture d'une enquête après la mort de 187 personnes dans des affrontements entre armée et islamistes à Baga (nord-est), condamnés par Washington qui regrette "la mort de tant de civils innocents".
Le président du Nigeria - pays le plus peuplé d'Afrique et premier producteur de brut sur le continent- a décidé qu'une enquête approfondie devait être menée pour établir ce qui a conduit à tel bain de sang, le 19 avril à Baga, un village de pêcheurs sur les rives du Lac Tchad.
Il s'agit du bilan le plus lourd accusé en un jour depuis le début de l'insurrection dans cette région du nord musulman et pauvre du Nigeria, où des sauveteurs continuaient à fouiller les décombres en quête de blessés dans cette localité à moitié détruite par les flammes.
Le président Jonathan a "ordonné une enquête approfondie au sujet du bilan élevé de morts dans les affrontements entre soldats et des insurgés à Baga", selon un communiqué présidentiel.
Les violences ont éclaté vendredi à Baga - village reculé situé dans une région où est basé le groupe islamiste nigérian Boko Haram, responsable d'attaques sanglantes dans le nord et le centre du pays depuis 2009.
Selon la Croix-Rouge, "187 morts ont été enterrés, et 77 personnes sont hospitalisées".Des insurgés ont été tués, mais aussi des soldats et des civils, selon des témoignages d'habitants recueillis par un représentant des autorités ayant inspecté les lieux dimanche, qui a requis l'anonymat.
Près de la moitié de la localité a été détruite par des incendies à la suite des combats, a estimé lundi un responsable des services de secours.
Des insurgés équipés d'armes lourdes
Selon des habitants, les insurgés se seraient servis d'armes lourdes, mais peu d'informations ont pu être obtenues sur la nature des combats.
A Washington, le porte-parole du département d'Etat, Patrick Ventrell, a déclaré que les Etats-Unis condamnent ces violents affrontements et mis en garde les autorités contre le seul recours à la force armée.
Si Washington soutient Abuja dans sa lutte contre Boko Haram, les autorités nigérianes doivent comprendre que "l'extrémisme violent nécessite plus que la simple réponse sécuritaire" et doivent "répondrent aux problèmes des communautés vulnérables", selon M. Ventrell.
"Elles doivent le faire d'une façon qui n'est pas forcément brutale, mais efficace et qui se concentre également sur les besoins économiques et politiques légitimes dans le nord", a-t-il estimé, tout en rappelant que Boko Haram exploitait cette situation pour recruter.
Baga est situé à 150 kilomètres de la ville de Maiduguri, considérée comme le berceau du groupe Boko Haram.Mais de nombreux insurgés se seraient dispersés ces dernières années dans tout l'Etat de Borno du fait de la répression menée par les forces de sécurité dans la ville.
Depuis 2009, les attaques de Boko Haram dans le centre et le nord du Nigeria, et leur répression par l'armée, ont fait au moins 3.000 morts.
Le groupe est notamment responsable à Abuja d'attentats-suicide contre le siège des Nations Unies, le quartier général de la police et les locaux d'un des grands quotidiens du pays.Leurs cibles sont aussi les églises, souvent le dimanche et à l'occasion des grandes fêtes religieuses comme Pâques et Noël.
Ils ont tiré "sur tout ce qui bougeait"
Selon de premières informations, les combats ont commencé lorque des soldats ont encerclé une mosquée où des insurgés étaient cachés.
Mais selon un habitant, les violences ont en fait éclaté quand des militants armés de Boko Haram ont voulu rentrer dans un centre où des habitants ont l'habitude de "regarder des matchs de football".
Les islamistes auraient ensuite tiré dans la foule paniquée qui tentait de fuir, toujours selon le récit de cet habitant.Des soldats qui se trouvaient à proximité sont intervenus avant de se replier face à des insurgés lourdement armés.
Des habitants ont affirmé que les hommes de Boko Haram étaient armés de lance-roquettes anti-char.Des soldats sont ensuite revenus avec des moyens militaires renforcés.
Ensuite, des soldats ont "commencé à tirer et à incendier les maisons.Ils ont ouvert le feu sur tout ce qui bougeait.Les femmes, les enfants et les personnes âgées n'ont pas été épargnés", a déclaré cet habitant sous couvert de l'anonymat.
La force conjointe de l'armée et de la police - déployée dans le Nord-Est pour combattre les islamistes - est régulièrement accusée d'exécutions sommaires et de violences envers les civils par diverses organisations internationales de défense des droits humains.
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