"Quand les malades arrivent, nous sommes obligés de dire aux parents de repartir pour aller acheter les médicaments.Parfois, avant qu'ils ne reviennent, le malade est mort", soupire Jefferson Sibley, médecin en chef de l'établissement situé dans la province de Bong (centre).
"Les gens meurent sous nos yeux et nous ne pouvons rien faire", comme pour cette patiente de 25 ans, emportée par le paludisme, déplore le Dr Sibley.
L'inflation galopante qui frappe ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest - plus de 22%, soit la quatrième la plus élevée du continent, après un pic à 28% en décembre - n'épargne pas le secteur de la Santé, déjà sinistré par l'épidémie d'Ebola de 2014-2016.
L'hôpital Phebe, d'une capacité de 200 lits, doté de sept médecins, doit répondre aux besoins des quelque 400.000 habitants de la province, sans compter ceux qui viennent des environs pour les urgences.Selon les statistiques de l'établissement, il accueille environ 2.500 patients par mois.
A 30 km de là, dans le village de Jenepeleta, Regina Kollie, 45 ans, une mère de cinq enfants, ne sait plus comment faire descendre la température de sa toute dernière fille, 4 ans, brûlante de fièvre depuis plusieurs jours.
Comme la grande majorité de la population de Bong, elle a opté pour la médecine traditionnelle: sur les conseils d'un guérisseur.Elle a cueilli des feuilles pour laver son enfant, sans résultat.
La mère de famille n'a de toute façon guère le choix, car l'hôpital est devenu quasiment inaccessible."Je n'ai pas d'argent pour emmener ma fille à Phebe.C'est l'ambulance qui nous aidait dans ces cas-là, mais on ne la voit plus", dit-elle, en larmes.
Car, faute de moyens, les deux ambulances de l'hôpital sont à l'arrêt."Ce service a permis de sauver des vies", souligne le Dr Sibley, en particulier "les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants dans les villages dépourvus de transports en commun".
- Opérations à la lampe tempête -
"De tous nos problèmes, le plus criant est le manque de financement, surtout pour le fonctionnement quotidien de l'hôpital.Le gouvernement pourvoit aux besoins du personnel, mais pas de l'établissement", indique le médecin chef.
"Nous nous retrouvons donc endettés auprès de nos fournisseurs.Ceux à qui nous achetons les médicaments et le carburant pour faire fonctionner les générateurs ne veulent plus nous approvisionner parce que nous leur devons beaucoup d'argent", précise-t-il.
Résultat: l'hôpital est souvent privé d'électricité et, lors d'opérations d'urgence, le chirurgien doit parfois se faire éclairer à la lampe tempête, raconte le Dr Sibley.
Même dans la capitale, Monrovia, à l'hôpital John F. Kennedy, le plus grand du pays, si le problème de l'électricité ne se pose pas, la pénurie de médicaments se fait sentir, selon le médecin chef, le Dr Jerry Brown.
"Il nous arrive de manquer de médicaments, surtout ceux qu'on ne peut pas trouver localement", mais qu'il est interdit à l'hôpital d'acheter à l'étranger, en raison des réglementations gouvernementales, explique le Dr Brown.
"Nous sommes en train de négocier avec le ministère de la Santé et celui des Finances pour qu'ils nous autorisent à nous fournir directement" hors du pays et pas seulement auprès des pharmacies libériennes ou via le Service national des médicaments (NDS), ajoute-t-il.
Pour la ministre de la Santé, Wilhelmina Jallah, ces problèmes relèvent de l'héritage du gouvernement précédent.
"Ces douze dernières années, les hôpitaux ont acheté à crédit du carburant et des médicaments, sans payer.Les dettes se sont tellement accumulées que les fournisseurs ne veulent plus faire crédit", a-t-elle déclaré à l'AFP."Nous devons rembourser une partie de ces dettes pour pouvoir ouvrir de nouvelles lignes de crédit".
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