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Crise au Mali: “Le gouvernement a fait des efforts, c’est à la CEDEAO de décider” (Boubacar Traoré, analyste)

Le médiateur de la CEDEAO est reparti de Bamako dimanche 20 mars sans accord sur le chronogramme de la transition . L'analyste malien Boubacar Salif Traoré estime que le gouvernement de transition a pourtant fait des concessions et la CEDEAO devrait à son tour en faire. Il répond à Lilianne Nyatcha.

anlyste

29 mars 2022 à 15h31 par Lilianne Nyatcha /Africa Radio Paris

Quelles sont les principaux points de divergence entre la CEDEAO et le pouvoir malien ?

Ce qu’il faut rappeler c’est que nous sommes dans un processus de discussion. Il y a une équipe qui a été montée dans ce sens, qui travaille justement sur le chronogramme. Le gouvernement malien a estimé qu’il lui fallait désormais 24 mois pour conduire cette transition et atteindre les objectifs liés à la préparation des élections. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte très difficile avec les sanctions et notre sécurité. Par contre, la CEDEAO compte sur un chronogramme de 12 à 16 mois. Donc je pense que les points de divergence subsistent à ce niveau. On espère qu’une solution puisse être trouvée assez rapidement.

Vous parlez du Mali qui est sous sanction depuis plus de deux mois. Et pourtant cela ne semble pas constituer un élément supplémentaire de pression sur le gouvernement de transition.

Non, c’est-à-dire que nous sommes dans une situation où effectivement les sanctions pèsent mais le peuple malien et les autorités font preuve de résilience. Bien évidemment, le souhait du gouvernement c’est d’en sortir assez rapidement. C’est en cela qu’un cadre d’échanges a été mis en place avec la CEDEAO pour parvenir à un accord rapide et lever les sanctions.

La difficulté à trouver un accord sur le calendrier de la transition entre Bamako et la CEDEAO ne viendrait-elle pas des déclarations de certains dirigeants français dont les propos laissent parfois penser que c'est Paris qui donne les instructions à la CEDEAO, considérée comme manipulée par Bamako ? On l'a encore vu avec la suspension des médias français au Mali…

En tout cas, c’est un problème qu’il faut souligner parce que depuis un moment effectivement les interférences de la France sur la situation au Mali et les choses qui ne la concernent pas constituent un sujet de préoccupation majeure pour les autorités maliennes. Bien évidemment, le gouvernement malien a souvent tiré la sonnette d’alarme sur cette problématique à la diffusion de fausses informations, des informations qui ne sont pas du tout réelles. Le pays est dans une situation très difficile, notamment le problème de l’insécurité.

Mais de là à accuser l’armée malienne d’exactions alors que le chef d’État major général de l’armée malienne a été très clair, il est ouvert à toutes questions, il y a problème. Et effectivement, le fait que le président français se retourne systématiquement vers la CEDEAO pour sanctionner davantage le Mali pose un autre problème parce que ça donne l’impression que c’est la France qui pousse la CEDEAO à durcir le ton vis-à-vis des autorités maliennes. En tout cas, c’est l’image qui est clairement renvoyée par la France par son attitude et ses différentes sorties.

Quels efforts doivent être consentis de part et d'autre pour pouvoir trouver une solution ?

Je pense qu’il y a l'effort de compréhension qui doit prévaloir au sein de la CEDEAO parce que la situation actuelle du Mali est très compliquée. C'est vrai qu’il y a le problème des élections. Ce problème est d'abord lié à toutes les opérations devant mener à des élections crédibles. Il faut revoir le fichier électoral, acquérir du matériel électoral …c’est-à-dire toutes les phases de préparation des élections. Ça prend énormément de temps. Il y a aussi la question financière. Je rappelle que le pays est dans une situation économique et financière assez difficile combinée à l’insécurité.

Donc, il faut un minimum de temps pour parvenir à organiser des élections. Ce qui aurait été grave c’est si les autorités n’avaient pas l’intention d'organiser des élections. Chose qui n’est pas du tout le cas. Elles ont la volonté d’organiser des élections, mais dans de bonnes conditions. Il ne faut pas oublier que le coup d'État survenu le 18 août 2020 est lié à une crise post-électorale. Donc il faut éviter que cela ne se reproduise pas à l’avenir et je suis certain qu’il y aura un compromis parce qu’effectivement au départ, le délai qui avait été proposé par le gouvernement malien a été beaucoup réduit. Il y a eu des efforts.

Le gouvernement malien parlait de 5 ans

Effectivement. Donc cette réduction du délai à 2 ans montre que le gouvernement malien tient parole. Car il avait dit dès le départ que la proposition de délai de cinq ans était une base de négociation. De son côté, la CEDEAO a maintenant une position ferme sur ces délais, notamment les 16 mois de l’Union africaine et les 12 mois qu’elle-même avait proposé.

De votre point de vue, les autorités maliennes ont fait d'importantes concessions. La balle serait dans le camp de la CEDEAO ?

Oui, je pense sincèrement que la balle est dans le camp de la CEDEAO. De toute façon, elle a toujours reçu des propositions de la part des autorités maliennes. Au final, elle évalue et c’est à elle de décider puisqu’elle a été à l’initiative des sanctions.

Décryptage 21/03/2022
Décryptage 21/03/2022
Crédit : Décryptage 21/03/2022