Des milliers de Soudanais disent "Non au pouvoir militaire" un mois après le putsch

Des milliers de manifestants ont scandé jeudi "Non au pouvoir militaire", réclamant un véritable changement au Soudan où un accord vient de réinstaller le Premier ministre civil tout en renforçant la mainmise de l'armée après son putsch du 25 octobre.

AFRICA RADIO

25 novembre 2021 à 18h21 par AFP

Khartoum (AFP)

A l'issue de cette journée de mobilisation, un "test" selon l'ONU pour le pouvoir qui tente de regagner les bonnes grâces de la communauté internationale, les manifestants se dispersaient dans le calme à Khartoum et ailleurs.

Seuls incidents pour lesquels aucun blessé grave n'a été recensé: les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur des manifestants dans la banlieue de Khartoum, ainsi que dans le centre et l'ouest du pays, ont rapporté des témoins.

Dimanche, le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d'Etat, contentait en apparence les exigences de la communauté internationale en permettant à M. Hamdok, évincé par les militaires le jour du putsch, de retrouver son poste.

Mais la rue dit ne pas vouloir d'un Premier ministre civil qui est selon elle complètement inféodé aux généraux, dont la répression depuis le coup d'Etat a déjà fait 42 morts et des centaines de blessés parmi les manifestants, selon un syndicat de médecins pro-démocratie.

- "Réclamer justice" -

"Je manifeste contre l'accord entre Burhane et Hamdok parce qu'il barre la route à un gouvernement uniquement civil alors que, nous, on ne veut pas de militaires en politique", explique à l'AFP Souheir Hamadennil, une manifestante à Khartoum. 

Pour Sedig al-Zoubair, qui défile lui aussi dans la capitale, cet accord n'est rien moins qu'"un coup de poignard dans le dos de la révolution" de 2019 qui avait forcé l'armée à mettre un point final à 30 années de dictature d'Omar el-Béchir.

Qoussaï Majdi, 19 ans, lui, dit être là pour "réclamer justice pour tous ceux qui ont été tués depuis le coup d'Etat de Burhane et de Hemedti", le surnom donné au général Mohammed Hamdane Daglo, chef des très redoutées Forces de soutien rapide, un groupe paramilitaire formé d'anciens miliciens accusés de "nettoyage ethnique" au Darfour, aujourd'hui numéro deux des autorités de transition.

Depuis plusieurs jours, les militants appelaient à faire de jeudi --qui marque un mois jour pour jour depuis le putsch-- la "journée des martyrs" avec de nouvelles manifestations contre les militaires et M. Hamdok qu'ils accusent de "trahison".

"Le peuple a choisit les civils", a scandé la foule à Khartoum, ainsi qu'au Darfour (ouest), au Kordofan-Nord (centre), à Kessala (est) et à Wad Madani, au sud de Khartoum, ont rapporté des correspondants de l'AFP.

Dans la banlieue nord de la capitale, les manifestants scandaient "Burhane, espèce de dégoûtant, ce sont les islamistes qui t'ont mis en avant", alors que les manifestants accusent le général Burhane d'être lié aux partisans de l'ancien régime, une dictature militaro-islamiste.

Comme en 2019 au Soudan et en 2011 dans différents pays arabes, des manifestants criaient à nouveau jeudi dans les rues de Khartoum et de ses banlieues "Le peuple veut la chute du régime".

Autour, des haut-parleurs crachotaient des chants entendus lors de la "révolution" de 2019 qui avait fait plus de 250 morts dont les proches attendent toujours justice.

- "Test" pour le pouvoir -

Alors que la communauté internationale et les défenseurs des droits humains n'ont cessé de dénoncer une répression menée à balles réelles, Volker Perthes, l'émissaire de l'ONU au Soudan, avait appelé dès mercredi à éviter "l'effusion de sang et les arrestations arbitraires".

Ces nouveaux défilés, a-t-il ajouté, sont un "test" pour Khartoum, dont une bonne part de l'aide internationale est toujours suspendue, de même que ses activités au sein de l'Union africaine.

En prévision de la mobilisation, M. Hamdok avait rencontré les haut-gradés de la police.Son appel à la retenue semble avoir été entendu.

Revenu à son poste, l'homme qui doit encore a promis de relancer une transition vers la démocratie qui bat de l'aile depuis des mois avec le général Burhane, qui s'est renommé à la tête des autorités de transition après le coup d'Etat -- qu'il appelle une "rectification du cours de la révolution".

L'un des fers de lance de la révolte anti-Béchir, l'Association des professionnels soudanais, a dénoncé un "suicide politique" de M. Hamdok tandis que 12 de ses 17 ministres partisans d'un pouvoir civil ont annoncé avoir démissionné en signe de désaccord à son retour auprès de Burhane.

Dans un entretien mercredi avec des médias locaux, M. Hamdok a affirmé avoir agi pour "faire cesser l'effusion de sang" et "ne pas perdre les acquis des deux années écoulées" depuis la fin de la dictature Béchir.