France : relaxe pour une journaliste poursuivie par un ex-militaire rwandais lors du génocide

Une journaliste française, poursuivie pour "injure publique" par un ex-chef des renseignements militaires rwandais soupçonné d'avoir été un cadre du génocide des Tutsi, qu'elle avait qualifié de "nazi africain", a été relaxée mercredi.

AFRICA RADIO

15 mars 2023 à 16h06 par AFP

"Ce propos n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression", celle du journaliste comprenant "le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire une provocation, dont il a usé ici afin de proposer une réaction", selon la décision du tribunal correctionnel de Paris consultée par l'AFP. Les faits remontent à juillet 2020, alors que le site Mediapart publie un article affirmant avoir retrouvé Aloys Ntiwiragabo, alors âgé de 72 ans, près d'Orléans, dans le centre de la France. L'homme, ancien colonel de gendarmerie, chef des renseignements militaires pendant le génocide au Rwanda en 1994, avait fait l'objet de mandats d'arrêts de la part du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), levés depuis plusieurs années, le TPIR ayant été dissous en 2015. "Un nazi africain en France ? Quelqu'un va réagir ?", avait alors tweeté Maria Malagardis, qui avait elle-même couvert le génocide des Tutsi en 1994, qui avait fait au moins 800.000 morts en trois mois, essentiellement dans la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés. Aloys Ntiwiragabo, qui selon une ordonnance du TPIR d'août 1997 vue par l'AFP, aurait en avril 1994 "lui-même donné des ordres aux militaires des Forces de l'armée rwandaise d'exterminer tous les Tutsi et les Hutu complices", ne faisait toutefois l'objet d'aucune plainte en France et n'était recherché ni par Interpol, ni par la justice française ou rwandaise. En 2015, la Cour administrative d'appel de Nantes (ouest) lui avait refusé la délivrance d'un visa de long séjour au motif que "s'il n'est pas établi qu'il (ait) participé personnellement (au génocide) ou l'(ait) planifié, (...) il n'a pris aucune mesure pour faire cesser les massacres ni n'a démissionné". "Aujourd'hui, il y a des procès qui se font pour tout et n'importe quoi. M. Ntiwiragabo avait le droit de faire ce procès. Mais il a perdu", a commenté Emmanuel Soussen, l'avocat de Maria Malagardis. Benjamin Chouai, le conseil du plaignant, a de son côté dénoncé une décision "qui reste en surface, très manichéenne", contre laquelle il fera appel. En France, une enquête préliminaire a été ouverte en août 2020 pour "crimes contre l'humanité" contre Aloys Ntiwiragabo, qui a depuis lors été placé sous le statut de "témoin assisté", a encore souligné Me Chouai, ce qui selon lui révèle la faiblesse des charges contre son client.