A l’époque où un morceau fait le tour du monde en quelques clics, certaines créations franchissent les frontières sans visa ni permission. C’est exactement ce que reproche Dera, un producteur nigérian très respecté dans la scène afrobeat, à Bad Bunny, rapporte Billboard France sur ses réseaux. Le 2 mai dernier, ses avocats ont saisi le tribunal de Los Angeles pour dénoncer selon eux l’usage non autorisé de Empty My Pocket, un morceau de 2019 réalisé avec Joeboy.
La chanson concernée ? Enséñame a Bailar, issue de l’album Un Verano Sin Ti, un projet monumental. Le morceau a dépassé les 400 millions d’écoutes sur Spotify et s’est classé deux semaines dans le palmarès Billboard. En d’autres termes: si copie il y a, elle a été massivement diffusée.
Dera, cerveau discret de la nouvelle vague nigériane
Dans le paysage afrobeat, Dera, de son vrai nom Ezeani Chidera Godfrey, fait figure d’architecte sonore. Il n’a peut-être pas la notoriété de Burna Boy ou Wizkid, mais ses productions pèsent lourd. Il est crédité sur Baby de Joeboy, un hymne qui a fait trembler les pistes de danse de Lagos à Accra, et ses rythmes subtils séduisent autant les artistes émergents que les publics curieux.
Autant dire qu’on ne reprend pas son travail sans accord ni reconnaissance, sans risquer de réveiller le feu.
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Bad Bunny : icône mondiale, mais pas au-dessus des règles
Bad Bunny, alias Benito Antonio Martínez Ocasio, c’est un peu le chef de file de la nouvelle musique latino. Il bat tous les records d’écoute - près de 100 milliards sur Spotify, des salles pleines partout, deux dates prévues à la Défense Arena en 2026, une autre au Vélodrome - et multiplie les collaborations avec les plus grands noms.
Mais cette stature planétaire ne l’exonère pas de respecter les créateurs de l’ombre. Selon les avocats de Dera, plusieurs tentatives de dialogue ont été délibérément ignorées par les représentants de Bad Bunny. Face au silence, il ne restait que la voie judiciaire.
Sampler : hommage ou pillage culturel ?
Dans les musiques actuelles, reprendre un extrait d’un autre morceau - qu’on appelle "sample" - est souvent un clin d’œil, une référence assumée. Mais il y a des règles, et surtout des droits à respecter. Ici, si les faits sont avérés, on ne serait plus dans l’hommage artistique, mais dans une appropriation non autorisée.
Le morceau Empty My Pocket possède une signature sonore identifiable, et certains éléments auraient été directement repris dans Enséñame a Bailar. Une pratique qui, sans autorisation, devient un détournement.
(A écouter en vitesse x2, le morceau ayant été retiré des plateformes, l'original n'y est plus.)
Bien plus qu’un simple conflit musical
Derrière cette affaire, il y a peut-être plus qu’une simple histoire d’emprunt. Elle met en lumière une réalité souvent dénoncée : les producteurs et artistes africains, même les plus talentueux, peinent encore à faire reconnaître leur travail face à des géants de l’industrie. Mais attention à ne pas tout simplifier. Il est aussi possible que Dera cherche à profiter d’un coup de projecteur - et qui ne le ferait pas, face à l’un des artistes les plus influents de la planète ? A ce stade, seule la justice pourra faire la part des choses entre plagiat réel et stratégie de visibilité. Une chose est sûre : l’afrobeat n’est plus un réservoir exotique de sonorités, mais un courant majeur qui mérite d’être pris au sérieux.
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