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Une matinée a suffi aux bulldozers pour faire tomber des pans de la colline du phare de Mamelles. Le site, d'où la vue est à couper le souffle, subit les assauts des promoteurs immobiliers, comme une bonne partie du front de mer de Dakar.

Fin mai, un homme s'est pr&eacute;sent&eacute; avec un permis et a entrepris de terrasser au pied de la colline pour construire un h&ocirc;tel, causant la stup&eacute;faction des habitants et des &eacute;lus locaux, raconte Mamadou Mignane Diouf, de l'ONG Forum social.
Pourtant, "ici, personne ne doit construire", dit-il, car la colline, surmont&eacute;e d'un phare embl&eacute;matique depuis 1864, est une zone verte prot&eacute;g&eacute;e.
La capitale s&eacute;n&eacute;galaise, m&eacute;tropole de trois millions d'habitants en rapide expansion sous la pression de l'exode rural, se sent de plus en plus &agrave; l'&eacute;troit sur sa p&eacute;ninsule qui s'enfonce dans l'Atlantique.
Depuis des ann&eacute;es, les promoteurs ont pris pour cible son rivage de carte postale, &eacute;rigeant h&ocirc;tels et r&eacute;sidences de luxe et d&eacute;figurant petit &agrave; petit le paysage en se jouant d'une l&eacute;gislation complexe et peu appliqu&eacute;e.
Les Dakarois ordinaires se plaignent de cette privatisation du littoral, qui r&eacute;duit l'acc&egrave;s &agrave; la mer et aux plages dans une ville manquant cruellement d'espaces de loisirs collectifs.

- Electrochoc -

La destruction d'une partie de la colline des Mamelles, bien que loin d'&ecirc;tre un fait sans pr&eacute;c&eacute;dent, a constitu&eacute; un &eacute;lectrochoc et soulev&eacute; de nombreuses protestations.
Avec la colline voisine, surmont&eacute;e de l'imposant monument de la Renaissance africaine, b&acirc;ti par la Cor&eacute;e du Nord, les deux monticules volcaniques d'une centaine de m&egrave;tres de haut portent le nom &eacute;vocateur de "Mamelles".Elles sont un &eacute;l&eacute;ment reconnaissables entre tous du paysage, auxquels les Dakarois sont attach&eacute;s.Leurs abords sont d&eacute;j&agrave; largement urbanis&eacute;s.
Apr&egrave;s des protestations dans la presse et sur les r&eacute;seaux sociaux, la police a interrompu le terrassement, qui laisse un trou b&eacute;ant au ton ocre.
"Ils ont d&eacute;j&agrave; caus&eacute; beaucoup de d&eacute;g&acirc;ts", regrette M. Diouf en parcourant un amas de gravats et en se demandant "pourquoi quelques privil&eacute;gi&eacute;s pensent qu'eux seuls ont droit d'acc&eacute;der au littoral, de le privatiser, de le fermer et de permettre uniquement &agrave; eux et &agrave; leur famille d'y acc&eacute;der au d&eacute;triment des autres S&eacute;n&eacute;galais".
Le ministre de l'Urbanisme, Abdou Karim Fofana, assure &agrave; l'AFP que le gouvernement du pr&eacute;sident Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, travaille &agrave; une nouvelle loi de protection du littoral.&nbsp;
Mais l'attribution sous les pr&eacute;c&eacute;dents r&eacute;gimes de titres de propri&eacute;t&eacute; et de permis de b&acirc;tir signifie que de nombreux projets immobiliers vont probablement se poursuivre, explique-t-il avec une dose de fatalisme.
"Il faut sauvegarder les parties non occup&eacute;es, faire en sorte que les S&eacute;n&eacute;galais et la population dakaroise y aient acc&egrave;s", dit-il.

- "La loi des plus forts" -

Pays pauvre de 16 millions d'habitants, le S&eacute;n&eacute;gal s'est engag&eacute; dans un programme de d&eacute;veloppement et de modernisation.La construction d'autoroutes, le d&eacute;veloppement de carri&egrave;res de calcaire et la construction &agrave; tout-va de logements p&egrave;sent sur l'environnement, d&eacute;j&agrave; mis &agrave; mal par le changement climatique et la d&eacute;forestation sauvage.
Pour Marianne Alice Gomis, une &eacute;lue dakaroise sp&eacute;cialiste d'urbanisme, "le probl&egrave;me principal vient des titres li&eacute;s &agrave; la propri&eacute;t&eacute; fonci&egrave;re", le cadastre &eacute;tant tr&egrave;s lacunaire.
La majorit&eacute; des constructions &agrave; Dakar sont ill&eacute;gales, dit-elle, en soulignant que de nombreux responsables m&eacute;connaissent les codes urbanistiques.
Mme Gomis cite en exemple un conflit qui oppose sa commune (subdivision de Dakar), Mermoz-Sacr&eacute;-Coeur, au promoteur d'un projet d'appartements qui verrait le jours aux abords d'une des plus grandes plages.La commune de Mermoz affirme que le terrain litigieux se situe sur son territoire.Le promoteur d&eacute;tient un permis de b&acirc;tir, mais il a &eacute;t&eacute; d&eacute;livr&eacute; par une commune voisine.
Le maire de Mermoz, Barth&eacute;l&eacute;my Diaz, a qualifi&eacute; l'op&eacute;ration "d'agression flagrante sur le domaine public maritime" et estim&eacute; qu'il "s'agit d'une contribution significative de ce promoteur &agrave; l'&eacute;rosion c&ocirc;ti&egrave;re"."Et c'est cela qui est inadmissible", a-t-il ajout&eacute;.
Balla Magassa, 43 ans, est propri&eacute;taire d'un petit bar sur ce qui reste de la plage des Mamelles, au pied de la colline.D&eacute;j&agrave; entour&eacute; de b&acirc;timents, il craint d'&ecirc;tre d&eacute;finitivement chass&eacute; par de nouveaux projets."C'est simplement la loi des plus forts", dit-il.

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