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Kais Saied, un néophyte qui atteint les 100 jours à la tête de la jeune démocratie tunisienne, s'est retrouvé au centre du jeu politique, mais doit encore imprimer sa marque, en l'absence d'un gouvernement en fonctions.

M. Saied, 61 ans, qui avait jusque-l&agrave; quasiment ferm&eacute; les portes du palais de Carthage &agrave; la presse, doit r&eacute;pondre jeudi soir en direct aux questions de journalistes, une premi&egrave;re depuis sa prestation de serment le 23 octobre.
Apr&egrave;s avoir fait campagne sans r&eacute;el programme, sur le grand principe d'une d&eacute;centralisation du pouvoir, d'un soutien &agrave; la jeunesse, capitalisant sur le rejet de la classe politique post-r&eacute;volution, le nouveau chef d'Etat s'est peu exprim&eacute; sur ses intentions.
Il a ax&eacute; sa communication sur les th&egrave;mes socio-&eacute;conomiques, qui lui sont chers, plus que sur la d&eacute;fense et la politique &eacute;trang&egrave;res, domaines relevant pourtant des pr&eacute;rogatives pr&eacute;sidentielles.
Il a certes re&ccedil;u des responsables &eacute;trangers de tous bords au sujet du conflit en Libye voisine --dont le pr&eacute;sident turc Recep Tayyip Erdogan.Mais il a aussi invit&eacute; &agrave; Carthage des dipl&ocirc;m&eacute;s ch&ocirc;meurs, des martyrs de la r&eacute;volution de 2011 et autre laiss&eacute;s-pour-compte de l'int&eacute;rieur du pays.

- "Machine au ralenti" -

S'il les a assur&eacute;s de son soutien, ces rencontres n'ont pas &eacute;t&eacute; suivies de mesures concr&egrave;tes, Kais Saied h&eacute;ritant du surnom teint&eacute; d'ironie de "pr&eacute;sident des c&acirc;lins".
"On n'a pas encore d'id&eacute;e pr&eacute;cise de sa strat&eacute;gie: il n'y a pas encore de gouvernement, donc la machine de l'Etat est au ralenti," indique &agrave; l'AFP le politologue, Youssef Cherif.
L'absence de mise en oeuvre d'un quelconque programme incombe en effet en premier lieu &agrave; une situation politique confuse, dans le sillage de l&eacute;gislatives d'octobre qui n'ont vu aucun parti en mesure d'imposer une majorit&eacute;, et un &eacute;clatement in&eacute;dit de l'h&eacute;micycle, avec une vingtaine de formations repr&eacute;sent&eacute;es au Parlement.
Apr&egrave;s l'&eacute;chec d&eacute;but janvier d'un premier gouvernement &agrave; obtenir la confiance, M. Saied s'est vu confier la t&acirc;che de nommer un nouveau Premier ministre, une situation qui lui a permis d'"imposer son jeu", fait valoir M. Ch&eacute;rif.
Pr&eacute;sident sans parti et tr&egrave;s critique du syst&egrave;me parlementaire partisan, M. Saied a notamment exig&eacute; des formations politiques qu'elles communiquent des propositions &eacute;crites, avant de choisir comme chef du gouvernement un &eacute;conomiste centriste, Elyes Fakhfakh.&nbsp;
Fruit d'un compromis, ce choix a n&eacute;anmoins fait fi des pr&eacute;f&eacute;rences des deux principaux partis, les islamistes d'Ennahdha et la formation Qalb Tounes du magnat des m&eacute;dias Nabil Karoui.
M. Fakhfakh, tr&egrave;s largement battu lors des &eacute;lections, a lui-m&ecirc;me reconnu ne devoir sa l&eacute;gitimit&eacute; qu'&agrave; M. Saied.
Dans une d&eacute;claration impr&eacute;gn&eacute;e de lyrisme, le pr&eacute;sident a confi&eacute; au futur Premier ministre, qui dispose encore d'une quinzaine de jours pour arracher une majorit&eacute; au Parlement, de "consid&eacute;rer la souffrance silencieuse des ch&ocirc;meurs et des pauvres".
C'est la priorit&eacute; exprim&eacute;e par tous: relancer une &eacute;conomie qui n'a connu que 1,4% de croissance en 2019, et ne parvient pas &agrave; r&eacute;duire un ch&ocirc;mage d&eacute;passant les 15%, alors que l'inflation s'est stabilis&eacute;e &agrave; plus de 6,5%.
Et si les d&eacute;put&eacute;s rejetaient l'&eacute;quipe constitu&eacute;e par M. Fakhfakh, le pr&eacute;sident aurait alors une autre carte en main: la possibilit&eacute; de dissoudre l'Assembl&eacute;e &agrave; partir du 15 mars.

- "Souverainisme" -

Sur la politique ext&eacute;rieure, il semble aussi d&eacute;licat de d&eacute;terminer une "doctrine Saied".
"On commence &agrave; voir un certain souverainisme", affirme Youssef Cherif, en citant le refus ferme oppos&eacute; au pr&eacute;sident turc de suivre la ligne d'Ankara sur le dossier libyen, ou encore le rejet d'une invitation allemande jug&eacute;e trop tardive &agrave; une conf&eacute;rence sur ce conflit mi-janvier.
Assurant attendre qu'un cabinet soit en place, il n'a honor&eacute; aucune invitation &agrave; l'&eacute;tranger, &agrave; l'exception d'Oman.La premi&egrave;re visite officielle est pr&eacute;vue &agrave; Alger dimanche.
Si son souverainisme est dans la lign&eacute;e de sa campagne, l'absence de la Tunisie &agrave; la conf&eacute;rence de Berlin sur la Libye n'a pas fait l'unanimit&eacute;.Certains ont appr&eacute;ci&eacute; ce coup de poing sur la table, mais d'autres ont critiqu&eacute; une fiert&eacute; mal plac&eacute;e.
Autre mesure forte ayant d&eacute;clench&eacute; un d&eacute;bat: l'accueil solennel qu'il a r&eacute;serv&eacute; &agrave; des orphelins rapatri&eacute;s de Libye, o&ugrave; leurs parents avaient rejoint des organisations jihadistes, contrastant avec la r&eacute;ticence affich&eacute;e jusque-l&agrave; par Tunis sur ce dossier tr&egrave;s sensible.
Les ONG r&eacute;clamaient ces rapatriements de longue date, mais des critiques ont fus&eacute; sur cet &eacute;gard pr&eacute;sidentiel.
Ces pol&eacute;miques sont n&eacute;anmoins rel&eacute;gu&eacute;es au second plan par les passes d'armes au Parlement sur le gouvernement.
"Tous les partis creusent leur tombes, sauf lui", analyse le chercheur Michael Ayari, de l'International Crisis Group (ICG)."Kais Saied est un nouveau ph&eacute;nom&egrave;ne", et "beaucoup de gens attendent un homme fort"."Mais il faut encore qu'il se r&eacute;v&egrave;le", ajoute-t-il.

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