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Nobel de la paix: l'Ethiopien Abiy plaide pour l'union contre la haine

Un an après son Nobel, Ahmed Abiy promeut à coups de chantiers l'unité d'une Ethiopie divisée

En contrebas des bureaux du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, Prix Nobel de la Paix 2019, des ouvriers transforment depuis un an un terrain vague en parc mettant en avant sa vision politique, à coups de symboles célébrant l'unité d'un pays pourtant fracturé.

Dans les 48 hectares du Square de l'Amiti&eacute;, on trouve une fontaine dont l'eau "danse" au rythme du tube patriotique "Ethiopia" de la pop star d&eacute;funte Tilahun Gessesse et une tribune flanqu&eacute;e de 76 arbres - un pour chacun des peuples composant le "f&eacute;d&eacute;ralisme ethnique" &eacute;thiopien.
Mais pour certains, ce message d'unit&eacute; sonne creux dans un pays th&eacute;&acirc;tre de terribles violences interethniques, surtout dans la r&eacute;gion Oromia dont est issu M. Abiy, et de manifestations antigouvernementales r&eacute;prim&eacute;es &agrave; balles r&eacute;elles.
Plusieurs dirigeants de l'opposition accus&eacute;s de terrorisme sont incarc&eacute;r&eacute;s, faisant douter que les &eacute;lections pr&eacute;vues en 2021 marquent une franche rupture avec le pass&eacute; autoritaire de l'Ethiopie.
Le Square de l'Amiti&eacute; - dont M. Abiy surveille attentivement l'avanc&eacute;e, parfois lors de visites nocturnes, selon ses collaborateurs -, comme d'autres chantiers d'embellissement &agrave; Addis Abeba, "montrent notre capacit&eacute; &agrave; lancer rapidement des projets, les mener &agrave; bien et les mettre &agrave; disposition du public", explique &agrave; l'AFP Billene Seyoum, attach&eacute;e de presse de M. Abiy.
Mais "le processus de d&eacute;cision autour de ces projets urbains rappelle les gouvernements pr&eacute;c&eacute;dents", souligne Biruk Terrefe, doctorant &agrave; l'universit&eacute; britannique d'Oxford: comme auparavant, "la plupart des urbanistes de la ville ont &eacute;t&eacute; mis sur la touche".

- Divisions -

M. Abiy a &eacute;t&eacute; &eacute;lu Premier ministre en 2018 par la coalition au pouvoir en Ethiopie depuis 1991, l'EPRDF, vis&eacute;e par plus de deux ans d'une contestation n&eacute;e en Oromia.L'ann&eacute;e suivante son Prix Nobel a sembl&eacute; raviver la "Abiymania" de ses premiers mois de fonctions.
Mais il n'a pas fallu longtemps ensuite pour que les maux du pays refassent surface.
Deux semaines apr&egrave;s l'attribution du Nobel, des manifestations - qui ont rapidement mu&eacute; en violences interethniques meurtri&egrave;res - ont &agrave; nouveau &eacute;clat&eacute; &agrave; travers l'Ethiopie en soutien &agrave; un ex-magnat oromo des m&eacute;dias, Jawar Mohammed, qui affirmait &ecirc;tre menac&eacute; physiquement par le gouvernement.
Via sa t&eacute;l&eacute;vision Oromia Media Network (OMN), Jawar Mohammed avait jou&eacute; un r&ocirc;le-cl&eacute; dans&nbsp;les manifestations ayant men&eacute; &agrave; la chute du pr&eacute;d&eacute;cesseur de M. Abiy et &agrave; la nomination de ce dernier.
Les relations entre MM.Jawar et Abiy se sont vite d&eacute;t&eacute;rior&eacute;es, le premier - que ses d&eacute;tracteurs accusent d'inciter &agrave; la haine ethnique pour d&eacute;stabiliser le deuxi&egrave;me pays le plus peupl&eacute; d'Afrique - ayant critiqu&eacute; publiquement plusieurs r&eacute;formes de son ancien alli&eacute;.
Un diff&eacute;rend qui met en lumi&egrave;re les divisions entre M. Abiy - premier dirigeant &eacute;thiopien issu du peuple oromo - et les tenants de la cause oromo qui lui reprochent de ne pas assez d&eacute;fendre les int&eacute;r&ecirc;ts de leur communaut&eacute;.
En juin, de nouvelles violences ont &eacute;clat&eacute; apr&egrave;s l'assassinat par balles d'un chanteur pop oromo, Hachalu Hundessa, faisant 160 morts en Oromia et &agrave; Addis Abeba.

- Processus de paix &agrave; l'arr&ecirc;t -

Plus de 9.000 personnes ont &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute;es dans la foul&eacute;e, dont M. Jawar et Bekele Gerba, autre figure de l'opposition.
Le prix Nobel r&eacute;compensait particuli&egrave;rement les efforts de paix de M. Abiy avec l'Erythr&eacute;e voisine, ennemie jur&eacute;e de l'Ethiopie depuis une tr&egrave;s meurtri&egrave;re guerre frontali&egrave;re entre 1998 et 2000.
Mais ses tentatives de profiter de sa proximit&eacute; affich&eacute;e avec le pr&eacute;sident - et autocrate - &eacute;rythr&eacute;en Issaias Afeworki, se heurtent &agrave; l'hostilit&eacute; historique envers le r&eacute;gime d'Asmara du Front de Lib&eacute;ration du peuple du Tigr&eacute; (TPLF).
Le TPLF, qui a contr&ocirc;l&eacute; l'EPRDF et donc dirig&eacute; de fait l'Ethiopie durant pr&egrave;s de 30 ans, reste aux commandes dans son fief septentrional du Tigr&eacute; et il est d&eacute;sormais en guerre ouverte avec M. Abiy, &agrave; qui il reproche d'avoir fondu l'EPRDF en un seul parti qui les marginalise.
Le foss&eacute; s'est encore creus&eacute; en septembre, &agrave; l'occasion des &eacute;lections r&eacute;gionales organis&eacute;es au Tigr&eacute; malgr&eacute; le report de tous les scrutins d&eacute;cid&eacute; par Addis Abeba en raison de la pand&eacute;mie de Covid-19.
Le gouvernement central estime ill&eacute;gitimes les institutions r&eacute;gionales sorties des urnes au Tigr&eacute;.

- "Synergie" -

Quant aux dirigeants tigr&eacute;ens, ils jugent que M. Abiy, dont le mandat aurait d&ucirc; expirer cette semaine mais a &eacute;t&eacute; prolong&eacute; faute de scrutin, a perdu toute l&eacute;gitimit&eacute;.
Malgr&eacute; ces divisions, M. Abiy continue de promouvoir sa philosophie politique de "Medemer" ("Synergie" en amharique), d&eacute;crite dans un livre de 2019, pour unifier le pays via divers chantiers.
Outre le&nbsp;Square de l'Amiti&eacute;, a r&eacute;cemment &eacute;t&eacute; inaugur&eacute; le Park Entoto, un vaste complexe sur les hauteurs d'Addis Abeba, comprenant restaurants, spa, &eacute;curies, circuit de karting, pistes cyclables et de jogging.
Les touristes &eacute;trangers sont les premi&egrave;res cibles, mais les dirigeants affirment que tous les Ethiopiens en b&eacute;n&eacute;ficieront.
"Personne n'a dit que (ces projets) &eacute;taient plus prioritaires que la s&eacute;curit&eacute;, l'Etat de droit (...).Ces choses peuvent &ecirc;tre men&eacute;es en parall&egrave;le", r&eacute;pond l'attach&eacute;e de presse de M. Abiy &agrave; ceux qui affirment que ces projets visent &agrave; faire oublier les probl&egrave;mes de l'Ethiopie.
Quant aux Ethiopiens, "difficile de dire ce qu'(ils) pensent de ces projets", note Biruk Terrefe.

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