Littérature. Mort de Ngugi wa Thiong'o, écrivain kényan et défenseur des langues africaines

Actus. L’écrivain kényan Ngugi wa Thiong'o est décédé mercredi 28 mai à l’âge de 87 ans. Emprisonné à la fin des années 1970, il avait alors fait le choix de n’écrire qu’en kikuyu, sa langue natale.

Littérature. Mort de Ngugi wa Thiong'o, écrivain kényan et défenseur des langues africaines
L’écrivain kényan Ngugi wa Thiong'o est décédé mercredi 28 mai à l’âge de 87 ans. - Wikicommons

L'auteur et intellectuel Kényan Ngugi wa Thiong'o est mort mercredi 28 mai, à l'âge de 87 ans. Il devient une figure majeure de la littérature sur le continent africain en décidant à la fin des années 70 d'abandonner l'anglais pour sa langue natale, le kikuyu. Un moyen pour lui de lutter contre les inégalités.

Une voix critique de la colonisation britannique  

"Je crois tellement en l'égalité des langues. Je suis complètement horrifié par la hiérarchie des langues", affirmait-il dans un entretien accordé à l'AFP en 2024. 

"Il a revitalisé les langues africaines, longtemps dénigrées comme étant incapables d'exprimer la modernité de manière intelligible", estime Evan Mwangi, professeur de littérature à l'université américaine de Northwestern. "Il fait ce que d'autres écrivains majeurs de l'histoire ont fait: écrire dans la langue de leur peuple plutôt que dans celle de l'élite", poursuit-il, citant les exemples de Shakespeare, Dante et Tolstoï.

Ce choix s'inscrit dans sa critique de toute forme de domination, de la colonisation britannique du Kenya aux inégalités et injustices de la société kényane postcoloniale.

L'exil dans les années 80 

Né dans une famille de paysans de la région de Limuru, non loin de Nairobi, Ngugi wa Thiong'o a été marqué dès sa jeunesse par la colonisation britannique et l'insurrection locale Mau Mau entre 1952 et 1960, cruciale dans la marche vers l'indépendance finalement obtenue en 1963, qui influenceront ses premières œuvres.

Après l'indépendance, ses romans et pièces s'attaquent aux élites du pays, comme dans "Pétales de sang" - l'un de ses derniers romans écrits en anglais en 1977 - qui dresse un tableau sans complaisance du Kenya post-colonial.

La même année, la pièce "Je me marierai quand je voudrai", co-écrite avec l'écrivain Ngugi wa Mirii, qui évoque l'exploitation des Kényans ordinaires par l'élite politique et économique, irrite les autorités, qui font emprisonner les deux auteurs en décembre 1977.

C'est dans sa cellule de la prison de haute sécurité de Kamiti que Ngugi wa Thiong'o écrit son premier roman en kikuyu "Caitaani Mutharaba-ini" ("Le Diable sur la Croix").

"Je l'ai écrit sur le seul papier dont je disposais, du papier toilette", a-t-il raconté à la radio américaine NPR.

Décrit comme un prisonnier d'opinion par Amnesty International, il sera libéré en décembre 1978 après une campagne internationale de soutien.

Il décide de s'exiler en 1982 après l'interdiction des compagnies de théâtre au Kenya, dirigé depuis 1978 par l'autocrate Daniel arap Moi. Il s'installera en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis.

En 1986, celui qui a abandonné son prénom occidental, James, publie "Décoloniser l'esprit". Dans cet ensemble d'essais et manifeste post-colonial, il revendique l'adoption de sa langue natale comme langue d'écriture.

Ngũgĩ wa Thiong'o agressé avec son épouse lors de son retour au Kenya en 2004 après l’exil

Ngũgĩ wa Thiong'o revient au Kenya avec son épouse, en juillet 2004, après que Daniel arap Moi a quitté le pouvoir.

Quelques jours plus tard, le couple est violemment attaqué dans son appartement: sa femme est violée, lui tabassé. Il n'a pas été établi si cette agression était à motivation criminelle ou politique.

À la suite cette agression il n'est que rarement rentré au pays. Marié et père de trois enfants, il vivait aux États-Unis depuis 1989, où il a enseigné la littérature comparée à l'université californienne d'Irvine.

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