Écoutez Cheikh Ahamdou Bamba Ndiaye, auteur de "Soleils invincibles"
Enfant du Sénégal, Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye, 31 ans, a le goût des études : après le Prytanée de Kadiogo au Burkina Faso, Sciences Po, Dauphine et l’ENA, il prépare actuellement un cinquième master aux États-Unis. Il a aussi le goût de l’engagement et surtout de l’écriture. Après avoir publié des recueils de poèmes, c’est désormais au roman qu’il s’essaie avec Soleils Invincibles.
Ce premier roman est le fruit de dix ans de travail. Comment l’idée de ce roman vous est-elle venue ?
C’est un roman pour lequel, effectivement, j'ai mis dix ans. Et ces dix ans ont été le temps qu'il a fallu pour, selon moi, raconter toute l'expérience africaine dans le temps long.
Donc, c'est un travail qui m'a demandé de voir, par exemple ici, quelles sont les principales problématiques auxquelles notre continent est confronté et comment y parvenir. Comment parvenir, à travers le roman, à raconter toutes ces problématiques qui sont souvent des dimensions politiques, des dimensions culturelles ?
Et il se trouve que la meilleure porte d'entrée pour moi dans ce roman, c'était l'exil. Dans la mesure où, à travers l'exil, on se rend compte qu'il y a une notion d'inégalité, de force, de question de mobilité et rapport à soi-même.
Parlons des lieux, notamment leurs noms. On comprend que Guétoula et Cissane font référence à l'Europe et à la France et que Toumouranka et Biomo font respectivement référence au continent africain et à un pays du continent. Qu'évoquent les noms de ces lieux ?
Avant même de parler des principales significations, il faudrait dire que ce ne sont pas des significations accessibles au même degré. Par exemple, il y a des significations qui sont plus ou moins explicites et d'autres qui, peut-être, vont rester les petits secrets de l'auteur.
J'aurais bien pu, évidemment, nommer les pays, parce que je pense que les allusions peuvent parfois être assez directes. Donc, ce n'est pas par crainte de représailles ou encore par peur, tout simplement. Mais c'était surtout en termes de création. On a besoin, parfois, de créer tout un univers, et plus on élargit les territoires fictifs, plus on peut se permettre de faire des mariages, des brassages dans les différentes références.
Mais il y a aussi la notion de responsabilité. J'aurais pu nommer la France directement, et un pays comme l'Italie ou comme l'Espagne aurait dit : "Ah non, ce livre ne me concerne pas", alors que ce sont des problématiques qu'on retrouve un peu partout.
Le livre aborde d'autres thématiques, en dehors de l’exil, comme les liens entre l'Occident et le continent africain. Et vous soulignez un paradoxe, c'est que Cissane n'est pas décrite comme un pays rêvé. Et pourtant, le personnage veut à tout prix y retourner…
Aujourd’hui, on voit qu’on a une jeunesse dont on se félicite, et une partie de cette jeunesse qui croit, qu’effectivement, partir est la solution.
Sauf qu’il faut aussi apporter le regard des gens qui sont déjà sur place, des gens qui viennent d’arriver, des gens qui y sont depuis quelques générations. Et on se rend compte que la réalité est beaucoup plus ambiguë.
Et donc je pense que c’était aussi de mon devoir, en tant que personne ayant différentes trajectoires, de dire les problématiques, que l’on retrouve aussi bien dans les pays de départ que dans les pays d’accueil.
C'était aussi une question plus fondamentale de géopolitique. Parce que derrière ce que dit ce roman, ce sont aussi les rapports de domination.
On se rend compte que la mobilité, elle n’est pas la même selon qu’on est Africain, ou selon qu’on est Sud-Américain, ou selon qu’on est un ressortissant occidental.
Et donc ces rapports de force, qu’est-ce qui arrive ? Avant ou pendant la colonisation, on était avec des histoires de laissez-passer. Aujourd’hui, on se retrouve avec des histoires de titres de séjour.
Vous voulez montrer que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Cependant, quand Dramane revient à Biomo, il doit faire face à la mauvaise gouvernance. Il a des difficultés à trouver du travail. Il y a aussi une critique de certains gouvernements africains ?
Effectivement, et pas seulement dans les pays africains, mais dans les pays du Sud global de façon générale. Aujourd’hui, les réalités sont assez complexes, et il serait assez faux d’identifier un seul problème et de dire que l’équation est résolue.
Parce que lorsqu’on a une jeunesse qui part, ce n’est pas uniquement parce qu’il y a quelque chose de mieux ailleurs. C’est peut-être aussi parce que, sur place, il y a des dysfonctionnements auxquels on doit faire face.
Et ces dysfonctionnements, parfois, comme vous venez de le dire, sont d’ordre institutionnel, ou relèvent de la gouvernance.
Il est donc important de pouvoir adresser ces différentes problématiques, afin que nous puissions être constants, en tout cas, conséquents dans notre démarche.
Soleils Invincibles de Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye, 377 p., 20 euros, éditions Présence Africaine
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