Un an après les violences, comment se porte concrètement la Nouvelle-Calédonie ? Et pensez-vous que le sommet puisse changer la donne ?
La Nouvelle-Calédonie traverse une crise sans précédent à tous les niveaux, que ce soit politique, économique ou social. Il y a aujourd'hui une grande inquiétude, notamment par rapport aux emplois qui ont été perdus. Il y en a à peu près 11 300. Nous avions un système de chômage partiel qui a pris fin le 30 juin. Et on voit encore que, sur le territoire, il y a encore beaucoup de tensions.
Il y a le clivage dont vous avez parlé, qui est assez apparent. Donc effectivement, aujourd’hui, ce sommet suscite beaucoup d’attentes de notre part.
Ce clivage, justement, existe depuis plus de 40 ans. Et en effet, la société calédonienne est divisée entre non-indépendantistes, donc ceux qui veulent rester attachés à la France, rester dans la République, et les indépendantistes, qui sont principalement les Kanak, les peuples autochtones qui revendiquent la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Vous l'avez dit, le clivage semble toujours aussi profond. Voyez-vous une possibilité d'un accord entre ces deux camps ? Il y en a eu un, c'était en 1988 avec les accords de Matignon, mais aujourd'hui, pensez-vous qu'il puisse y avoir un accord ?
Effectivement, la Nouvelle-Calédonie, c’est une collectivité d’outre-mer avec un statut particulier. On dit souvent que c’est un statut sui generis, généreux, de son propre genre. La Nouvelle-Calédonie, ce sont des accords : les accords de Matignon que vous avez évoqués, et surtout aujourd’hui, l’accord de Nouméa, qui a été signé le 5 mai 1998. Et on le voit bien, il y a eu trois référendums en 2018, en 2020 et en 2021. Ces trois référendums ont donné à chaque fois un non, mais le troisième est contesté par les indépendantistes.
Mais est-ce qu’avoir un référendum avec trois « non » effacera ou fera disparaître la revendication du peuple premier — c’est-à-dire les Kanak, les indépendantistes ? Non. Et en fin de compte, la solution qui est notamment prônée par la formation politique que je représente, L’Eveil océanien, c’est cette troisième voie : celle de concilier les antagonistes.
L’ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui est maintenant ministre des Outre-mer, propose une souveraineté avec la France. Il propose également la mise en place d’une double citoyenneté française et calédonienne, régionale. Et le transfert de compétences régaliennes de la France à la Nouvelle-Calédonie. Est-ce que, selon vous, c’est une voie viable ?
La Nouvelle-Calédonie a un statut particulier, une très grande émancipation, puisque nous avons un gouvernement, qui est l’exécutif, et le Congrès, que je préside, qui est l’assemblée délibérante. Nous avons même le pouvoir législatif, puisque nous légiférons ce que nous appelons, chez nous, les lois du pays.
La proposition du ministre d’État et ministre des Outre-mer, Manuel Valls, ressemble à celle que l’Éveil océanien propose. C’est quoi ? C’est un partenariat programmé avec la France. Parce que, comme je vous l’ai dit, d’un côté, on a les non-indépendantistes, les loyalistes, qui souhaitent un statut définitif dans la France. Et de l’autre côté, on a la revendication indépendantiste.
Mais quand on regarde les résultats du deuxième référendum, qui donne un 47/53 %, c’est quasiment moitié-moitié. Donc il faut concilier ces antagonistes, c’est-à-dire créer un partenariat avec la France. Cela signifie passer d’une relation qui a été imposée depuis 1853, parce que la Nouvelle-Calédonie a été annexée, à une relation que l’on choisirait.
En mai, Manuel Valls avait convoqué un conclave, le conclave de Déva, qui avait échoué puisqu’il n’y a pas eu d’accord, mais il avait réussi à réunir les deux camps politiques. Est-ce que vous pensez que le gouvernement, avec ce sommet, va réussir, justement, à réconcilier ces deux camps ?
C’est en tout cas le vœu que je formule. Ce que je souhaite vraiment, c’est qu’à travers ce sommet, on ne parte pas de zéro, que le travail qui a été effectué par le ministre d’État que vous avez rappelé, et qui date du début de l’année, soit reposé sur la table, et qu’autour de cela, le président de la République arrive à faire trouver un consensus. Parce qu’aujourd’hui, je peux vous dire que ce sommet représente l’ultime chance pour la Nouvelle-Calédonie de s’en sortir.
Et craignez-vous un retour de la violence si les négociations échouent ? Et quels dispositifs proposez-vous pour prévenir une nouvelle crise ?
Ce qui est sûr, c’est qu’en cas de non-accord, ce sera vraiment le trou noir pour la Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, je vous l’ai dit, la situation est catastrophique.
On a un PIB qui a chuté de 10 à 15 %. Je veux dire, le climat des affaires a reculé de 24 points. Le tourisme, qui était en 2023 à 150 000 visiteurs, est tombé à seulement 50 000. Vraiment, la situation est catastrophique.
En Nouvelle-Calédonie, les finances publiques, je ne vous en parle même pas. Le budget de la Nouvelle-Calédonie repose sur un prêt consenti par l’État. Donc, effectivement, on va rester dans l’incertitude jusqu’à peut-être 2027, c’est-à-dire les prochaines présidentielles. On ne peut pas se le permettre.
Mais ce qui est sûr, c’est que, étant donné que les deux projets qui ont été déposés sur la table du conclave et qui ont échoué, c’est-à-dire l’État fédéré pour les loyalistes et l’État association pour les indépendantistes.
- Lire aussi : Nouvelle-Calédonie :"La réforme constitutionnelle fait des Kanaks une minorité dans leur pays"
Maintenant, il ne nous reste qu’une seule porte de sortie, et c’est l’avenant à l’accord de Nouméa. Et c’est sur ça qu’il faut qu’on puisse trouver un consensus : prolonger l’accord de Nouméa, mais pour combien de temps ? Et c’est le facteur temps qu’il faudrait, à mon sens, négocier lors du sommet qui va s’ouvrir.
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