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Soudan. "Ce qui s’est passé à El-Fasher, pour nous les Soudanais, ce n’est pas nouveau", souligne Hamad Gamal, cofondateur du média Sudfa

Actus. Le 26 octobre, la ville d’El-Fasher, au Soudan, a été conquise par les Forces de soutien rapide, un groupe paramilitaire. Elle était la dernière ville du Darfour qui échappait à leur contrôle. Depuis 2023, les les Forces armées soudanaises (FAS), d'Abdel Fattah al-Burhan, et les Forces de soutien rapide (FSR), d'Hemedti se livrent une guerre qui a fait des dizaine de milliers de morts et plus de 12 millions de déplacés. Hamad Gamal, cofondateur du média franco-soudanais Sudfa était l'invité d'Africa Radio ce vendredi 7 novembre.

Soudan. "Ce qui s’est passé à El-Fasher, pour nous les Soudanais, ce n’est pas nouveau", souligne Hamad Gamal, cofondateur du média Sudfa
Le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti et Abdel Fattah al-Burhan. - Wikicommons / Flikr

Mardi, après une réunion gouvernementale pour discuter de la proposition de cessez-le-feu américaine, le ministre soudanais de la Défense a déclaré que « la guerre allait continuer » et qu’elle était une « guerre nationale légitime ». Quelle est votre réaction à cette déclaration ?

Cette déclaration du ministre de la Défense est partagée par de nombreux Soudanais et formations politiques. Tous ont été témoins des crimes commis par les Forces de soutien rapide (FSR), dont la stratégie repose sur la terreur et les massacres de civils afin de contraindre le gouvernement à céder à leurs revendications.

Aujourd’hui, le gouvernement soudanais se pose une question essentielle : peut-on accepter la paix à tout prix ? La réponse est non. Les FSR ne cesseront jamais de massacrer les civils, et s’ils réclament un cessez-le-feu aujourd’hui, c’est uniquement parce qu’ils sont en difficulté et cherchent à se réorganiser pour revenir plus forts.

C’est une stratégie que nous avons observée tout au long de cette guerre : chaque fois qu’ils sont affaiblis, ils parlent de paix, puis reprennent les combats dès qu’ils retrouvent une position de force. Accepter leur proposition, ce serait offrir un répit à ceux qui continuent de commettre des crimes impunis, sous couvert de négociations.

Cette guerre, qui dure depuis 2023, oppose le général Al-Burhan, chef de l’armée, au général Hemedti, chef des FSR. Tous deux affirment se battre pour le peuple soudanais. La société soudanaise est-elle divisée entre ces deux camps ?

Non, mais la division au sein de la société soudanaise est là. Après, il faut s’interroger sur les raisons et dans quel camp il y a plus de monde.

Dans le camp des FSR, on trouve des gens qui sont même prêts à se battre et à prendre les armes contre l’armée soudanaise.

Mais en questionnant ces gens-là, on se rend compte qu’ils viennent de groupes particuliers. Ce qui pousse certaines personnes à dire que le projet porté par la force de soutien rapide est un projet raciste, qui vise à déplacer massivement la population soudanaise.

À l’inverse, dans le camp de l’armée soudanaise, on retrouve une diversité beaucoup plus large, issue de l’ensemble du pays. Même s’il y a des gens qui disent que l’armée soudanaise a commis des crimes contre les civils, je pense que ces crimes sont incomparables avec ceux commis par la force de soutien rapide.

Le 26 octobre, les FSR ont pris El-Fasher, capitale du Darfour-Nord. Des témoignages font état de viols, de pillages et de massacres. Que peut faire, selon vous, la communauté internationale, notamment les États-Unis, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, médiateurs dans ce conflit ?

Il faut se rappeler que les crimes de guerre commis dans la ville d’El-Fasher ne sont pas les premiers. C’est la continuation d’une série de crimes commencés dans la ville de Tina, où un millier de personnes ont été tuées,  mais aussi dans l’État d’Al-Jazira, où des gens ont été massacrés massivement dans leurs villages, ainsi que dans les villes de Khartoum et de Kordofan.

Donc, ce qui s’est passé à El-Fasher, pour nous les Soudanais, ce n’est pas nouveau. C’est la continuation d’une série de crimes qui a commencé bien avant. Et chaque fois que la force de soutien rapide arrive quelque part, leur bilan se résume à des milliers de morts, des femmes violées et des déplacements massifs de populations.

Sur la médiation, c’est étrange de voir que ce sont les mêmes personnes qui soutiennent la force de soutien rapide et qui alimentent la guerre au Soudan, qui jouent aujourd’hui le rôle de médiateurs.

Je pense que, de par leur position et leur rôle actuel dans la guerre au Soudan, ce n’est pas logique qu’ils se présentent comme médiateurs.

À travers ces médiations, les Émirats arabes unis cherchent simplement à légitimer la force de soutien rapide et à imposer un narratif selon lequel cette guerre serait menée uniquement par l’armée soudanaise, alors que la force de soutien rapide serait prête à signer l’accord de paix.

 

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