Reportage : Manifestation en soutien aux civils au Soudan
Samedi 1er novembre, les mains de nombreux manifestants agrippaient des pancartes ensanglantées. Certaines dénonçaient l’utilisation du viol comme arme de guerre au Soudan. D’autres affichaient des corps sans vie, ou les visages de miliciens appartenant aux Forces de soutien rapide (FSR), jusqu’à celui de Mohammed ben Zayed, président des Émirats arabes unis.
"C’est la première fois que je vois une manifestation comme ça", se réjouit Abdalghani Abdelkareim, président de Sound of Sudan. Habituée à organiser ce type de rassemblement, l’association n’avait jamais mobilisé autant de monde. Les violences commises à El Facher sont nombreuses : témoignages d’exécutions, de viols, de pillages et d’incendies depuis la prise de contrôle par les miliciens des FSR mercredi 26 octobre, dernier bastion de l'armée soudanaise dans la région du Darfour.
"Guerre coloniale"
Pour une jeune manifestante franco-soudanaise, se réunir était une nécessité pour se sentir "un peu moins limitée". "Je suis très sensible à tout ce qui se passe", confie-t-elle. Depuis deux ans, elle s’étouffe de colère, partageant peu sa peine faute de personnes avec qui en discuter. Ce que l'étudiante déplore par-dessus tout, "c’est d’avoir eu besoin d’un tel massacre pour que les gens commencent à en parler."
Risque de génocide "très élevé" sellon l'ONU
Le visage froissé par l’émotion, Ousmane Hassan, originaire d’El-Facher, se dit "complètement impuissant". Pancarte à la main, il critique l’implication des Émirats arabes unis dans le conflit, accusés par des rapports de l’ONU de soutenir militairement et logistiquement les FSR. Abou Dhabi ferait transiter des ressources militaires par l’Afrique centrale, notamment le Tchad et la République centrafricaine, des accusations démenties par le pays du Moyen-Orient.
D’autres puissances étrangères, comme l’Iran ou l’Égypte, sont aussi accusées d’alimenter le conflit par l’envoi de matériel militaire. Pour cette raison, de nombreux militants dénoncent une guerre coloniale et un génocide.
- Lire aussi : Soudan : l’Union européenne dénonce la « brutalité » des paramilitaires et le ciblage ethnique de civils à El Facher
"Il y a des enfants qui crèvent de faim"
La communauté internationale, en particulier les Nations Unies et des organisations comme Human Rights Watch, s’inquiète du risque élevé de génocide. Virginia Gamba, Conseillère spéciale par intérim du Secrétaire général de l’ONU pour la prévention du génocide, a averti que le risque reste "très élevé" au Soudan. Les FSR mènent des attaques ciblées contre des groupes ethniques, avec des actes de nettoyage ethnique incluant massacres, viols, déplacements forcés et exécutions extrajudiciaires.
Difficile à confirmer en raison des violences continues, le nombre de morts après la chute d'El Fasher, serait supérieur à 2 000 civils tués par les FSR durant les 24 premières heures, dont environ 460 tués dans une maternité attestée par l'OMS. Tyndische Adila, réfugié soudanais en France depuis dix ans, veut rendre visible cette violence. Ce jour-là, il est venu pour forcer le regard au-delà des chiffres, pour le confronter à l’horreur. "Pendant que je vous parle, il y a des gens qui perdent la vie, des enfants crèvent de faim", martèle-t-il, obsédé par l’idée de donner un visage, une voix, une réalité concrète à ce conflit que trop souvent ignoré.
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