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Le Dr Eric Goemaere se souvient très bien de la première fois où il a posé le pied dans le township tentaculaire de Khayelitsha, aux portes du Cap.C'était en 1999 et l'Afrique du Sud découvrait alors avec effroi les ravages du sida.

"Tous les jours, il y avait des embouteillages devant le cimeti&egrave;re", raconte le m&eacute;decin belge."Les gens tombaient comme des mouches (...) il n'y avait pas de traitement, alors les malades se contentaient d'aller &agrave; l'&eacute;glise".
Deux d&eacute;cennies plus tard, le Dr Goemaere, 65 ans, et ses coll&egrave;gues de l'ONG M&eacute;decins sans fronti&egrave;res (MSF) se retrouvent aux avants-postes du combat contre une autre &eacute;pid&eacute;mie meurtri&egrave;re.
La m&eacute;gapole du Cap (Sud-Ouest) et sa province du Cap-occidental recensent &agrave; elles seules les deux tiers des 27.500 malades du Covid-19, dont 580 sont morts, recens&eacute;s dans le pays.Le bidonville de Khayelitsha en est un des principaux foyers.
"Le nombre de personnes infect&eacute;es augmente rapidement", note le m&eacute;decin, qui coordonne la construction d'un h&ocirc;pital de campagne de 65 lits pour les accueillir.
Face au Covid-19, l'exp&eacute;rience acquise par les v&eacute;t&eacute;rans du combat contre le VIH comme lui est pr&eacute;cieuse.
"On essaie toujours d'&ecirc;tre au plus pr&egrave;s des populations touch&eacute;es", dit-il, "cette fois, nous avons impliqu&eacute; les populations beaucoup plus en amont de l'&eacute;pid&eacute;mie".
En 1999, l'explosion des cas de sida a sem&eacute; la panique &agrave; Khayelitsha.Le virus y faisait des dizaines de victimes chaque jour et les seuls traitements n'&eacute;taient accessibles que dans de lointains h&ocirc;pitaux, &agrave; des prix hors de port&eacute;e de ses patients.
- Pr&eacute;jug&eacute;s -

Dans les cliniques locales, les m&eacute;decins "&eacute;trangers" &eacute;taient accueillis avec suspicion."Les infirmi&egrave;res nous disaient +ne venez pas, vous allez nous infecter+", se rappelle le Dr Goemaere.
"En fait, la majorit&eacute; des patients que nous recevions &eacute;taient d&eacute;j&agrave; porteurs du virus.Mais comme il n'y avait pas de d&eacute;pistage, personne ne r&eacute;alisait le danger".
Largement per&ccedil;ue comme une maladie import&eacute;e de l'&eacute;tranger - comme le nouveau coronavirus -, le sida &eacute;tait alors associ&eacute; &agrave; la prostitution et &agrave; l'homosexualit&eacute;.Il a fallu beaucoup de temps pour briser les pr&eacute;jug&eacute;s et la stigmatisation et convaincre les patients de venir consulter.
Ce patient travail de sensibilisation des populations s'est r&eacute;p&eacute;t&eacute; d&egrave;s l'apparition des premiers cas de Covid-19.
Le nouveau coronavirus "est consid&eacute;r&eacute; comme un virus import&eacute; par les Blancs", explique Nompumelelo Mantangana, infirmi&egrave;re &agrave; MSF."Sur le terrain, nos agents font du porte-&agrave;-porte pour distribuer des tracts expliquant ce qu'est le Covid-19".
Ils investissent aussi les r&eacute;seaux sociaux et les m&eacute;dias locaux pour faire taire les "fake news".
Comme &agrave; l'&eacute;poque de l'&eacute;pid&eacute;mie de sida, les soignants qui combattent aujourd'hui le coronavirus souffrent des retards de traitement des tests de d&eacute;pistage.
"Au d&eacute;but du sida, il fallait envoyer tous les tests &agrave; un laboratoire central", souligne Eric Goemaere.Les retards n'ont &eacute;t&eacute; r&eacute;solus qu'en 2001 avec la mise en service d'un test dont les r&eacute;sultats &eacute;taient disponibles en vingt minutes.
- Traitements pour tous -

"Ce fut une r&eacute;volution", ajoute le m&eacute;decin."Le jour o&ugrave; nous pourrons disposer d'un test rapide (pour le coronavirus) &agrave; Khayelitsha, &ccedil;a changera la donne".A condition toutefois, dit-il, de disposer d'un traitement.&nbsp;
Mettre un traitement &agrave; la disposition des malades est pr&eacute;cis&eacute;ment ce qui a amen&eacute; le Dr Goemaere &agrave; Khayelitsha.
A l'&eacute;poque, il travaillait sur la r&eacute;duction du risque de transmission du VIH de la m&egrave;re &agrave; l'enfant gr&acirc;ce &agrave; l'AZT, un des premiers m&eacute;dicaments antir&eacute;troviraux.
En arrivant en Afrique du Sud, il a d&ucirc; affronter des autorit&eacute;s qui niaient la r&eacute;alit&eacute; de l'&eacute;pid&eacute;mie, le pr&eacute;sident de l'&eacute;poque Thabo Mbeki en t&ecirc;te."C'&eacute;tait terrible.Le gouvernement m'a fermement sugg&eacute;r&eacute; de me tenir tranquille".
"Il (le gouvernement) refusait que MSF utilise certains m&eacute;dicaments", confirme l'infirmi&egrave;re Nompumelelo Mantangana."Il a fallu qu'on tra&icirc;ne notre propre gouvernement devant les tribunaux pour qu'il offre un traitement aux malades".
"C'est diff&eacute;rent avec le Covid", s'empresse-t-elle d'ajouter, "cette fois ils ont agi rapidement, nous travaillons ensemble".
Le Dr Goemaere se f&eacute;licite lui aussi de la r&eacute;activit&eacute; du gouvernement sud-africain face au Covid-19.Il esp&egrave;re qu'il ne tardera pas cette fois &agrave; proposer rapidement un traitement &agrave; ses citoyens, contrairement &agrave; ce qui s'est pass&eacute; avec le sida.
"D&egrave;s qu'un traitement ou un vaccin seront sur le march&eacute;, nous ferons tout notre possible pour qu'il soit accessible dans&nbsp;les pays les plus pauvres", promet le m&eacute;decin.

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