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Lorsque le rugissement de motos a brisé le silence, Haruna Hasaman n'a eu que quelques secondes pour quitter son petit village de l'Etat de Zamfara, dans le nord-ouest du Nigeria.

Dans la panique, elle a pris ses cinq enfants, et s'est enfuie au moment o&ugrave; des hommes en armes ouvraient le feu sur les maisons.
"Ils ont tu&eacute; beaucoup d'hommes, dont mes fr&egrave;res et mes neveux", raconte-t-elle huit mois plus tard, alors qu'elle s'entasse avec quelque 6.000 autres d&eacute;plac&eacute;s sous des tentes de fortune, dans la ville d'Anka.&nbsp;
"M&ecirc;me pendant qu'on courait, ils tiraient.Je n'y retournerai pas", rapporte la m&egrave;re de famille, d'un air d&eacute;cid&eacute;.
Des attaques comme celle-ci, il y en a eu des centaines ces derni&egrave;res ann&eacute;es dans cette r&eacute;gion isol&eacute;e, qui a sombr&eacute; dans le chaos et l'indiff&eacute;rence g&eacute;n&eacute;rale.
Loin des cam&eacute;ras et des organisations humanitaires qui se pressent dans le nord-est, o&ugrave; s&eacute;vit le groupe jihadiste Boko Haram, l'Etat de Zamfara a vu prolif&eacute;rer des gangs de "bandits" qui terrorisent les communaut&eacute;s locales.&nbsp;
Les troubles &agrave; Zamfara - o&ugrave; la majorit&eacute; des quatre millions d'habitants vit en zone rurale - ont commenc&eacute; il y a plusieurs d&eacute;cennies par des pillages et du vol de b&eacute;tail.&nbsp;
Ils ont pris de l'ampleur dans un contexte d'afflux des armes &agrave; feu en provenance de Libye et de comp&eacute;tition accrue pour l'acc&egrave;s &agrave; la terre entre &eacute;leveurs peuls et agriculteurs s&eacute;dentaires majoritairement haoussas.&nbsp;

- Amnistie -

Profitant du vide s&eacute;curitaire de la r&eacute;gion, les gangs criminels peuls ont multipli&eacute; les attaques, les meurtres et les enl&egrave;vements contre ran&ccedil;on.&nbsp;
Selon les autorit&eacute;s, plus de 1.000 personnes ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;es en 2019 dans des combats entre les bandits et les milices d'autod&eacute;fense de villageois, tous lourdement arm&eacute;s et accus&eacute;s d'exactions.40.000 personnes ont d&eacute;j&agrave; fui vers le Niger voisin, selon l'ONU.&nbsp;
Le gouvernement f&eacute;d&eacute;ral du Nigeria a d'abord r&eacute;pondu par la force, avec une s&eacute;rie d'op&eacute;rations militaires mais le nouveau gouverneur de l'Etat, Bello Matawale, &eacute;lu l'an dernier, a pr&eacute;f&eacute;r&eacute; la voie du dialogue.&nbsp;
En septembre, l'Etat de Zamfara a n&eacute;goci&eacute; un accord de paix entre les bandits et les milices civiles.&nbsp;
Dans son bureau, Ababukar Daura, le conseiller &agrave; la s&eacute;curit&eacute; de l'Etat de Zamfara, assure que les autorit&eacute;s de Zamfara "ne paient pas les bandits" mais proposent plut&ocirc;t des opportunit&eacute;s d'emploi dans une r&eacute;gion ravag&eacute;es par la pauvret&eacute;.&nbsp;
Les membres des gangs criminels rencontr&eacute;s par l'AFP, assurent toutefois que des promesses d'argent - et d'emploi - leur ont &eacute;t&eacute; faites, et maintiennent qu'ils conservent encore des armes.

- Repenti -

Il y a encore quelques mois, Hassan Dantawaye, 44 ans, &eacute;tait tapis dans son refuge nich&eacute; au coeur d'une &eacute;paisse for&ecirc;t.Pendant huit ans, il a dirig&eacute; une force de plus de 1.000 bandits arm&eacute;s.
Dantawaye et ses combattants &eacute;changeaient du b&eacute;tail contre des armes avec des trafiquants bas&eacute;s au Niger.&nbsp;
Gr&acirc;ce &agrave; l'accord de paix, il a pu rentrer chez lui, explique l'homme.&nbsp;"Avant, vous ne m'auriez jamais vu ici", affirme le repenti."Depuis l'intervention du gouvernement, nous remercions Dieu, nous pouvons nous d&eacute;placer librement".&nbsp;
Dantawaye reconnait avoir men&eacute; de nombreuses attaques, pour venger la mort de centaines de peuls, dont beaucoup de membres de sa famille, assassin&eacute;s selon lui en raison de leur appartenance ethnique.&nbsp;
"Que devons-nous faire, attendre qu'ils continuent de nous attaquer?", demande Dantawaye avec amertume, m&ecirc;me s'il affirme aujourd'hui vouloir "la paix".
De l'autre c&ocirc;t&eacute; du conflit, il y a les Yan Sakai, des miliciens qui disent se d&eacute;fendre contre les Peuls.Les autorit&eacute;s pr&eacute;c&eacute;dentes les r&eacute;mun&eacute;raient pour combattre les "bandits", mais ils ont &eacute;galement &eacute;t&eacute; accus&eacute;s d'exactions sur les civils peuls.&nbsp;
"Nous avons donn&eacute; plus de 500 armes", assure &agrave; l'AFP Sani Muhammed, un responsable des Yan Sakai.
Pour autant, pas question de les rendre toutes, poursuit Sani Muhammed.&nbsp;"Si les bandits d&eacute;posent leurs armes et tiennent leur promesse d'arr&ecirc;ter les tueries, nous rendrons &eacute;galement nos armes au gouvernement".&nbsp;

- Menace constante -

Mais si les attaques ont fortement diminu&eacute; &agrave; Zamfara, la recrudescence des violences observ&eacute;es r&eacute;cemment dans les Etats voisins et la peur ambiante, laissent craindre que la tr&ecirc;ve reste fragile, et que le probl&egrave;me ait simplement &eacute;t&eacute; d&eacute;plac&eacute; ailleurs.&nbsp;
Des milliers de personnes continuent d'ailleurs &agrave; vivre dans des camps de d&eacute;plac&eacute;s comme &agrave; Anka.&nbsp;
M&eacute;decins sans fronti&egrave;res (MSF), une des seules organisations humanitaires pr&eacute;sentes dans la r&eacute;gion, affirme que la crise a aggrav&eacute; les taux de pauvret&eacute; et de malnutrition d&eacute;j&agrave; catastrophiques.&nbsp;
"Il y a des d&eacute;fis m&eacute;dicaux majeurs dans cette r&eacute;gion", explique &agrave; l'AFP Philip Aruna, directeur pays chez MSF.&nbsp;"L'ins&eacute;curit&eacute; dans la r&eacute;gion est encore plus lourde de cons&eacute;quences".
Dans le camp, rares sont ceux qui osent croire &agrave; une paix durable.&nbsp;&Agrave; l'abri du soleil, les d&eacute;plac&eacute;s montrent des photos sur leur t&eacute;l&eacute;phone, re&ccedil;ues des localit&eacute;s qu'ils ont fui.&nbsp;
Les bandits arm&eacute;s continuent &agrave; y faire planer une menace constante, errant dans les villages, rapinant du b&eacute;tail et de la nourriture.Ils s'en prennent aux femmes.&nbsp;
Rahima Garba, 26 ans, ne veut pas rentrer: "Ils sont toujours dans la brousse, dans nos villages.Ils nous terrorisent".

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