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Ethiopie: Jawar Mohammed, ex-allié d'Abiy Ahmed désormais accusé de terrorisme

Jawar Mohammed, ancien magnat des médias éthiopiens devenu à 34 ans l'un des plus farouches détracteurs du Premier ministre Abiy Ahmed, est un habitué des confrontations avec le gouvernement.

En 2015, un mouvement de contestation contre le pouvoir central voit le jour dans sa r&eacute;gion de l'Oromia.M. Jawar mobilise sa cha&icirc;ne de t&eacute;l&eacute;vision, l'Oromia Media Network (OMN), pour l'amplifier, ce qui lui vaut d'&ecirc;tre poursuivi pour tentative de coup d'Etat en 2017.
Le mouvement finira par emporter le gouvernement et d&eacute;bouche en 2018, pour la premi&egrave;re fois dans l'histoire du pays, sur la nomination d'un Oromo au poste de Premier ministre, en la personne d'Abiy Ahmed.
Les charges pesant contre M. Jawar sont vite abandonn&eacute;es et le magnat des m&eacute;dias n'h&eacute;site pas &agrave; souligner &agrave; qui veut l'entendre son r&ocirc;le dans l'ascension de M. Abiy, les deux hommes &eacute;tant alors per&ccedil;us comme des alli&eacute;s objectifs.
Mais l'idylle n'a que peu dur&eacute;: cette semaine, Jawar Mohammed &eacute;tait de retour sur le banc des accus&eacute;s, inculp&eacute; notamment de terrorisme et d'incitation &agrave; la violence.
Un revirement embl&eacute;matique des turbulences de la vie politique &eacute;thiopienne et des relations complexes qu'entretiennent le Premier ministre et les autres leaders oromo.

- Le "microphone" oromo -

Alors que le pays se pr&eacute;pare &agrave; des &eacute;lections g&eacute;n&eacute;rales cruciales l'ann&eacute;e prochaine, le proc&egrave;s de l'opposant pourrait jouer sur la perception&nbsp;qu'auront les Ethiopiens des r&eacute;elles ambitions d&eacute;mocratiques de leur Premier ministre.
A moins que le minist&egrave;re public ne pr&eacute;sente des preuves convaincantes contre M. Jawar, ses soutiens crieront s&ucirc;rement au "proc&egrave;s politique" en cas de condamnation de leur champion, estime William Davison, analyste &agrave; l'International Crisis Group.
"Il sera alors tr&egrave;s difficile pour les autorit&eacute;s de mener avec succ&egrave;s les &eacute;lections (...) et ce scrutin ne sera alors pas le grand moment d&eacute;mocratique que tout le monde attend", ajoute-t-il.
En 2015, un projet&nbsp;d'extension des fronti&egrave;res administratives d'Addis Abeba sur la r&eacute;gion Oromia (qui entoure la capitale) avait d&eacute;clench&eacute; les manifestations, les Oromo estimant que le gouvernement cherchait &agrave; s'accaparer leurs terres.
M. Jawar, un homme trapu &agrave; la voix haut-perch&eacute;e et portant un bouc, avait alors utilis&eacute; l'OMN pour coordonner les manifestations contre le Front d&eacute;mocratique r&eacute;volutionnaire du peuple &eacute;thiopien (EPRDF), la coalition de quatre partis, tous &eacute;tablis sur une base ethnique, au pouvoir depuis 1991.
Leur cible &eacute;tait principalement la partie tigr&eacute;enne de la coalition, la plus influente, qu'ils accusaient de r&eacute;primer les dissidents oromo et de marginaliser leur communaut&eacute;.
Alors en exil aux &Eacute;tats-Unis, M. Jawar vivait sur le fuseau horaire &eacute;thiopien et restait &eacute;veill&eacute; la nuit pour partager des informations gr&acirc;ce &agrave; son r&eacute;seau d'amis Facebook, comptant plus d'un million de personnes.

- Disputes avec Abiy -

Mais la notori&eacute;t&eacute; de celui qui se d&eacute;crivait comme le "microphone" de la jeunesse oromo lui valut aussi de puissantes inimiti&eacute;s.
Tandis que des policiers en civil commenc&egrave;rent &agrave; parcourir l'Oromia, arr&ecirc;tant les habitants qui regardaient l'OMN, des commentateurs l'accus&egrave;rent d'incitation &agrave; la violence, notamment contre les Tigr&eacute;ens.
Jawar Mohammed est rentr&eacute; en Ethiopie &agrave; la faveur de l'arriv&eacute;e au pouvoir d'Abiy Ahmed.Mais une ann&eacute;e &agrave; peine a suffi pour que les d&eacute;saccords publics &eacute;mergent avec le Premier ministre.
Comme d'autres leaders nationalistes oromo, l'opposant a reproch&eacute; &agrave; M. Abiy d'&ecirc;tre un pi&egrave;tre d&eacute;fenseur des int&eacute;r&ecirc;ts de la communaut&eacute; et, plus r&eacute;cemment, de se comporter en dictateur.
La querelle a pris de l'ampleur lorsqu'en octobre 2019, M. Jawar, prot&eacute;g&eacute; en permanence par des gardes arm&eacute;s, a accus&eacute; le gouvernement de vouloir lui retirer cette protection et d'orchestrer une attaque contre lui.&nbsp;Accusations qui avaient d&eacute;clench&eacute; &agrave; Addis Abeba de violentes manifestations anti-Abiy,&nbsp;lors desquelles plusieurs dizaines de personnes avaient trouv&eacute; la mort.
Le mois suivant, M. Jawar rejoignait le parti du Congr&egrave;s F&eacute;d&eacute;ral Oromo et annon&ccedil;ait qu'il serait candidat aux &eacute;lections g&eacute;n&eacute;rales pr&eacute;vues en ao&ucirc;t.

- "Pr&ecirc;t &agrave; mourir" -

Apr&egrave;s le report des &eacute;lections, en raison de l'&eacute;pid&eacute;mie de coronavirus, M. Jawar a accus&eacute; le Premier ministre d'&eacute;tendre artificiellement le terme de son mandat, qui expirait d&eacute;but octobre.
Les accusations qui p&egrave;sent actuellement contre M. Jawar sont li&eacute;es aux violences qui ont &eacute;clat&eacute; apr&egrave;s le meurtre fin juin de Hachalu Hundessa, un chanteur populaire oromo devenu un porte-drapeau de sa communaut&eacute;.
Ces violences ont fait entre 178 et 239 morts selon les sources et ont &eacute;t&eacute; suivies d'une vague de quelque 9.000 arrestations, suscitant des critiques &agrave; l'endroit du Premier ministre, laur&eacute;at en 2019 du prix Nobel de la Paix.
Bien que les accusations contre M. Jawar doivent encore &ecirc;tre d&eacute;taill&eacute;es, elles sont li&eacute;es &agrave; une bagarre autour du corps du chanteur qui aurait d&eacute;g&eacute;n&eacute;r&eacute; et conduit &agrave; la mort d'un agent de police.
Cette semaine, il a rejet&eacute; lors d'une audience le dossier mont&eacute; contre lui, d&eacute;non&ccedil;ant un complot d'Abiy Ahmed pour bloquer ses rivaux plut&ocirc;t que de les affronter dans les urnes.
"Le public sait ce qu'il se passe r&eacute;ellement", a-t-il dit au tribunal selon son avocat.Et d'ajouter: "Je suis plus que pr&ecirc;t &agrave; mourir pour mon peuple".

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