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Tidiane Konté, père de famille dakarois sans emploi de 56 ans, serre entre ses doigts "le dernier reçu" de l'argent envoyé d'Espagne par son frère.Depuis l'apparition du coronavirus, les transferts des travailleurs émigrés en Europe se sont presque taris, mettant en difficulté de nombreux Sénégalais.

"Mon fr&egrave;re travaille dans des plantations &agrave; Saragosse (nord de l'Espagne).La derni&egrave;re fois qu'il nous a envoy&eacute; de l'argent, c'&eacute;tait en f&eacute;vrier, 422 euros", soit pr&egrave;s de cinq fois le salaire minimum au S&eacute;n&eacute;gal, maugr&eacute;e Tidiane Kont&eacute; dans sa maison de Keur Massar, dans les faubourgs de la capitale s&eacute;n&eacute;galaise.
Cons&eacute;quence: "Nous ne mangeons plus de viande", dit-il.&nbsp;
La Banque mondiale estime qu'en raison de la pand&eacute;mie de Covid-19, les sommes envoy&eacute;es par les travailleurs migrants dans leur pays d'origine, qui repr&eacute;sentent jusqu'&agrave; un tiers de l'&eacute;conomie de certains pays pauvres, vont chuter de 20% cette ann&eacute;e, s'&eacute;tablissant &agrave; 445 milliards de dollars contre 554 milliards en 2019.
Cette baisse, la plus importante de l'histoire r&eacute;cente, est largement li&eacute;e aux "pertes d'emplois, fermetures d'entreprises et mesures de confinement" dans les pays d'&eacute;migration, explique &agrave; l'AFP Dilip Ratha, &eacute;conomiste au d&eacute;partement Migration et Transferts d'argent de la Banque mondiale.
Elle repr&eacute;sente la "perte d'un important filet de s&eacute;curit&eacute; pour beaucoup de familles pauvres et a un impact direct sur les d&eacute;penses consacr&eacute;es &agrave; l'alimentation, &agrave; la sant&eacute; et &agrave; l'&eacute;ducation", souligne-t-il.
Le minist&egrave;re s&eacute;n&eacute;galais de l'Economie est m&ecirc;me plus pessimiste: "On anticipe une baisse de l'ordre de 30% pour 2020" des transferts depuis l'&eacute;tranger, indique un de ses responsables.

- Trois millions d'&eacute;migr&eacute;s -

Le S&eacute;n&eacute;gal, ancienne colonie fran&ccedil;aise d'Afrique de l'Ouest, est jusqu'ici relativement &eacute;pargn&eacute; par l'&eacute;pid&eacute;mie.Le pays compte moins de 1.000 cas et une dizaine de d&eacute;c&egrave;s.
Mais les mesures destin&eacute;es &agrave; endiguer la propagation du virus, comme l'instauration d'un couvre-feu, la fermeture des fronti&egrave;res et l'interdiction de circuler entre les r&eacute;gions rendent encore plus difficile le quotidien d'une population vivant en grande partie au jour le jour.
Les autorit&eacute;s estiment &agrave; environ 3 millions les S&eacute;n&eacute;galais partis travailler &agrave; l'&eacute;tranger, notamment en France, en Espagne et en Italie, sur une population de 16 millions d'habitants.
Les quelque 2 milliards d'euros qu'ils envoient officiellement chaque ann&eacute;e &agrave; leurs proches repr&eacute;sentent 10% du PIB du S&eacute;n&eacute;gal et un ballon d'oxyg&egrave;ne indispensable pour de tr&egrave;s nombreuses familles.&nbsp;
En comptant "les sommes vers&eacute;es par la voie informelle", ces montants peuvent m&ecirc;me &ecirc;tre doubl&eacute;s, estime un responsable du minist&egrave;re des Affaires &eacute;trang&egrave;res.&nbsp;
Ces derni&egrave;res semaines, les envois ont toutefois baiss&eacute; "d'au moins 25%", a constat&eacute; le g&eacute;rant d'une boutique de Rufisque, autre banlieue de Dakar, o&ugrave; les b&eacute;n&eacute;ficiaires peuvent venir retirer leur argent.&nbsp;
"J'ai m&ecirc;me fait quatre transferts destin&eacute;s &agrave; des S&eacute;n&eacute;galais en Europe, que leurs familles ont voulu aider", s'&eacute;tonne pour sa part une employ&eacute;e de banque.

- Bouillie de mil -

M&ecirc;me constat &agrave; l'int&eacute;rieur du pays."Nous nous d&eacute;brouillons pour assurer, difficilement, les trois repas" quotidiens, affirme Fatou Seydi, premi&egrave;re &eacute;pouse d'une famille polygame de Kolda, en Haute Casamance (sud).Son mari, qui "travaille dans une ferme en Espagne" a suspendu ses transferts de mensuels de 300 &agrave; 450 euros destin&eacute;s &agrave; nourrir les 15 membres de la famille.
Abdoulaye Ciss&eacute;, jeune journaliste b&eacute;n&eacute;vole d'une radio de Kolda, ne peut quant &agrave; lui plus compter sur l'aide de son fr&egrave;re, &eacute;migr&eacute; dans le sud de l'Italie.
"Il dit avoir l'argent mais ne peut pas l'envoyer &agrave; cause du confinement" dans la p&eacute;ninsule, qui l'emp&ecirc;che de se rendre dans les officines sp&eacute;cialis&eacute;es dans les transferts internationaux.Les huit membres de sa famille ont donc "remplac&eacute; le lait et le pain du petit-d&eacute;jeuner par de la bouillie de mil", dit-il.
D'autres S&eacute;n&eacute;galais sont retenus au pays par la fermeture des fronti&egrave;res a&eacute;riennes.C'est le cas d'Abdoulaye Bald&eacute;, 45 ans, qui travaille "depuis une vingtaine d'ann&eacute;es" dans un magasin de fruits et l&eacute;gumes de Barcelone et qui devait "reprendre le travail le 24 f&eacute;vrier".
"Je sais que j'ai perdu mon emploi.J'envoyais plus de 300.000 CFA (450 euros) par mois pour ma m&egrave;re, mes deux femmes, mes enfants, mon fr&egrave;re et ma soeur.Je n'ai pas de revenus ici", soupire-t-il.
Le gouvernement s&eacute;n&eacute;galais a pr&eacute;vu une enveloppe d'une vingtaine de millions d'euros pour "assister, soutenir et prot&eacute;ger" les travailleurs &eacute;migr&eacute;s.Il a &eacute;galement lanc&eacute; une vaste distribution de vivres pour soutenir les familles en difficult&eacute; aux quatre coins du pays.&nbsp;

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