Burkina Faso : comment Ibrahim Traoré a construit sa légende numérique ?

Actus. Icône d’une révolution numérique savamment orchestrée, Ibrahim Traoré a bâti une image de libérateur via les réseaux sociaux, entre récits messianiques, images retouchées et influence algorithmique.

Burkina Faso : comment Ibrahim Traoré a construit sa légende numérique ?
Ibrahim Traoré, le président de transition burkinabè communique massivement en ligne - IA - Africa Radio

Depuis sa prise de pouvoir par un coup d’État en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré ne cesse d’occuper le terrain numérique. À défaut de s’exprimer régulièrement devant la presse, le président de transition burkinabè communique massivement en ligne. Son image y est omniprésente : dans des vidéos martiales, des montages ultra-symboliques ou des messages appelant à la résistance contre l’« impérialisme ». Cette stratégie s’appuie sur une galaxie de comptes et de groupes Facebook, TikTok ou X, souvent gérés de façon anonyme, relayant en boucle une rhétorique nationaliste et panafricaine.

Une figure façonnée par l’intelligence artificielle

Depuis plusieurs mois, les visuels mis en ligne autour de Traoré prennent une nouvelle dimension. Les images générées par intelligence artificielle le représentent en chef de guerre invincible, auréolé de lumière, brandissant un drapeau ou entouré de soldats. Le recours à ces outils, parfois maladroit mais efficace en termes d’émotion visuelle, permet de le présenter comme un héros hors du commun, parfois même en comparaison directe avec des figures historiques comme Thomas Sankara. Ces représentations relèvent d’une construction politique assumée : celle d’un chef militaire érigé en guide spirituel d’un peuple en quête de souveraineté.

Des relais puissants et une audience réactive

La stratégie s’appuie également sur des influenceurs panafricanistes très suivis, installés parfois en dehors du Burkina. Certains disposent de dizaines de milliers d’abonnés et diffusent quotidiennement des contenus favorables au régime. La moindre critique à l’égard du capitaine Traoré entraîne une avalanche de commentaires accusateurs, souvent virulents. Cette dynamique crée une sorte de « mur numérique » empêchant le débat et favorisant l’uniformité du discours. Plusieurs journalistes burkinabè ou étrangers en ont été victimes.

Entre culte de la personnalité et verrouillage de l’information

Ce dispositif de propagande numérique s’inscrit dans un contexte où l’espace médiatique traditionnel est sous pression. Suspension de médias, expulsions de correspondants étrangers, intimidation de journalistes : le terrain est désormais contrôlé. Dans ce vide informationnel, les réseaux sociaux deviennent le canal principal de communication et de mobilisation. Une communication directe, émotionnelle, mais aussi manipulatrice. Le récit construit autour de Traoré devient une arme politique à part entière.

En quelques mois, Ibrahim Traoré a su tirer profit des outils du XXIe siècle pour imposer son récit. Son image d’« homme providentiel » ne repose pas uniquement sur les actes, mais sur une mise en scène permanente, rendue possible par le numérique et l’intelligence artificielle. Un cas d’école de la propagande moderne en Afrique de l’Ouest.

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