Des négociations pour la signature d'un accord de paix entre le gouvernement congolais et le M23 sont en cours au Qatar. Elles devaient aboutir à la signature d'un accord de paix le 18 août, mais ce n’est toujours pas le cas. Pourquoi cela prend-il du temps ? Fallait-il s’y attendre ?
Oui, il fallait s'y attendre, déjà, parce que le calendrier présenté dès le départ était un calendrier optimiste, avec des dates très serrées, que ce soit pour l'accord de Washington ou de Doha.
La réalité sur le terrain a justement montré que les dates étaient trop serrées. Deuxièmement, c'est qu'il y avait des mesures de confiance qui devaient être prises par les parties au plus tard le 29 juillet, notamment la libération des prisonniers du M23, qui n'ont pas été prises par les différentes parties.
Ce qui a justifié le blocage constaté le 8 août dernier. Et le M23 avait fait un communiqué refusant de se rendre à Doha. Il y a eu ce blocage lié au fait que les mesures de confiance qui devaient être prises ne l'ont pas été.
Ça a quelque peu bloqué la reprise prévue en août. Et donc l'accord qui devait intervenir le 18 août.
Les points de désaccord sont multiples entre les deux parties. D'un côté, on a le gouvernement congolais qui souhaite que le M23 rende le territoire conquis, et de son côté, le M23, vous l'avez dit, souhaite la libération de certains prisonniers. Mais quels sont les points de désaccord majeurs entre les deux ?
Le gouvernement dit que le M23 a violé de manière intempestive le cessez-le-feu. Le M23 rétorque que les Ougandais, les groupes armés locaux, ne respectent pas le cessez-le-feu tel que convenu dans la déclaration de principe.
Il y a aussi le fait que Kinshasa avait demandé un démantèlement du gouvernement parallèle, alors que le M23 continue à conforter, par dénomination, sa gouvernance dans les zones d'occupation.
Et puis, cette dernière question des prisonniers, 700 présentés par le M23, qui n'ont jamais été rencontrés par quiconque jusqu'à ce jour, reste un point d'achoppement dans les discussions.
Est-ce qu’on peut dire que c’est un conflit qui reste sans solution ?
Sans solution, non. Il est vrai que Kinshasa a beaucoup compté sur l'accord de Washington, qui semble être l’intérêt principal de Kinshasa.
D'ailleurs, le M23 reproche à Kinshasa de négliger les pourparlers de Doha. Il y a donc ce déséquilibre entre l'attention portée par Kinshasa sur Washington plutôt que sur Doha. Deuxièmement, le M23, pour Kinshasa, n'est que le proxy d'une logique rwandaise.
Donc, négocier avec un plus grand intérêt avec le Rwanda est l'élément principal qui tient à Doha. Il y a cette logique d'interprétation également qui s'oppose entre les parties.
Je crois que les drafts d’accords ont déjà été donnés aux différentes parties. Kinshasa a envoyé une délégation récemment et il semble qu'on va vers, soit l’amendement du draft qui est partagé au niveau des parties, soit la signature d'un accord de paix dans les jours à venir.
Est-ce qu'il y a des aspects du conflit qui n'ont pas été compris par les médiateurs actuels ?
Il faut souligner qu'aujourd'hui, il y a énormément d'initiatives qui sont mises en œuvre. À côté de Washington, à Doha, il y a eu la feuille de route conjointe EAC–SADC, qui a déjà été fusionnée au dernier sommet conjoint EAC–SADC. Il y a la médiation de l'Union africaine, qui a mis en place un groupe de facilitation, dont deux membres d'ailleurs ont dernièrement fait la tournée à Kinshasa. Il y a la démarche de l'Église catholique et de l'Église protestante, la CENCO, qui militent pour le pacte social, qui est donc un dialogue interne.
Il y a énormément d'initiatives qui, en principe, devraient compléter les processus de Washington et de Doha. Parce que, comme je l'ai souligné, Washington et Doha ont pratiquement pris les dimensions à la fois des processus de Luanda et de Nairobi. Ils n'intègrent pas d'autres acteurs, comme le Burundi ou l'Ouganda, ou encore la dimension interne du conflit, à savoir la crise avec l'opposition politique interne.
Comment faire pour rendre complémentaires ces différentes démarches et apporter une réponse holistique ? Washington ne s'est pas ouvert à cette possibilité-là. Doha est en train de mettre en place un mécanisme de suivi multilatéral qui s'ouvre également aux acteurs régionaux comme l'EAC, la SADC et l'Union africaine.
Maintenant, quid de la crise interne, quid des autres acteurs ? Il y a lieu de construire, je dirais, des attelages, mais tout dépendra à la fois du leadership des autorités africaines, notamment de l'Union africaine, du lobbying que feront la CEC et la CENCO pour rejoindre la dynamique de Doha et de Washington, et, à la fin, de la volonté américaine d’avoir un processus plus englobant, qui ne soit pas uniquement, comme c’est le cas aujourd’hui, une approche presque unilatérale de Washington.
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