Soixante ans après l’enlèvement à Paris du leader marocain Mehdi Ben Barka, son fils Bachir accuse à nouveau les États français et marocain de faire obstacle à la justice. Il appelle à « briser le silence politique » autour d’une affaire d’État devenue symbole d’impunité.
Ecoutez Bachir Ben barka
Il y a exactement soixante ans, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, figure du mouvement anticolonial et opposant historique du régime marocain, disparaissait à Paris après avoir été interpellé par deux policiers français devant la brasserie Lipp, à Saint-Germain-des-Prés. Son corps n’a jamais été retrouvé. L’affaire reste l’une des plus grandes énigmes politico-judiciaires de la Ve République.
Pour son fils Bachir Ben Barka, président de l’Institut Mehdi Ben Barka – Mémoire vivante, cette date reste « une journée de recueillement » mais aussi un appel à la vérité. « C’est une date de recueillement, pour avoir une pensée pour la mémoire de mon père et de tous les membres de notre famille qui sont décédés et qui se sont battus pour établir la vérité », confie-t-il.

Mehdi Ben Barka
« L’enlèvement a été planifié au plus haut niveau de l’État marocain »
Pour la famille, les responsabilités ne font aucun doute. « L’enlèvement a été exécuté par les services secrets marocains, avec les complicités françaises, israéliennes et peut-être même américaines. Il a été planifié au plus haut niveau de l’État marocain, au niveau du palais royal », affirme Bachir Ben Barka.
L’enquête judiciaire, ouverte en France en 1965, n’a jamais été close. « C’est l’un des plus vieux dossiers du tribunal judiciaire de Paris. On est au douzième ou treizième juge d’instruction. Cette enquête devrait rétablir la lumière, mais tous les juges ont été bloqués par la raison d’État, ou plutôt la raison des États », dénonce-t-il. Selon lui, le secret-défense bloque encore aujourd’hui l’accès aux archives de la DGSE, tandis que le Maroc « refuse depuis plus de 20 ans de coopérer » et n’a « jamais répondu aux commissions rogatoires internationales ».
« Aucun des deux États n’a le courage politique d’ouvrir les dossiers »
Pour Bachir Ben Barka, la paralysie du dossier est le résultat d’une double volonté politique : « Il y a une double responsabilité dans l’organisation de la disparition de mon père. Et il y a une double responsabilité dans l’organisation du silence. Aucun des deux États n’a le courage politique d’ouvrir ces dossiers », accuse-t-il. Il affirme avoir interpellé directement les dirigeants : « Il y a un an, j’avais écrit au président Emmanuel Macron et au roi Mohammed VI. Aucune réponse, pas même un accusé de réception. »
« Ce combat ne doit pas être légué aux petits-enfants »
Malgré les décennies, la famille refuse d’abandonner. « Ce combat, on le mène depuis 60 ans. Ce que je ne souhaite pas, c’est que ce soient les petits-enfants de Mehdi Ben Barka qui, un jour, soient à mener ce combat. Ce serait une faillite de la justice et de la volonté politique », dit-il. Sa voix se brise lorsqu’il évoque sa mère : « On a enterré ma mère il y a un an. Elle est morte sans savoir ce qu’était devenu son mari. »
Pour lui, l’affaire Ben Barka dépasse le drame familial : elle renvoie à l’actualité politique. « La pensée de Mehdi Ben Barka est toujours vivante. Soixante ans après, les problèmes qu’il soulevait sont toujours là : injustice sociale, corruption, inégalités… Aujourd’hui au Maroc, la jeunesse GenZ212 lève les mêmes slogans que la jeunesse de 1965. Cela montre à quel point rien n’a changé. »
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L’Institut Mehdi Ben Barka - Mémoire Vivante et plusieurs associations appellent à un rassemblement à la mémoire de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 2025 devant la Brasserie Lipp à Paris, boulevard Saint-Germain. La ville de Gennevilliers, dans les Hauts de Seine, commémorera également le 29 octobre, le souvenir de Mehdi Ben Barka. Une cérémonie et une exposition lui seront consacrées.

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