Dans un entretien accordé à notre rédaction, l’ancien Premier ministre bissau-guinéen Aristide Gomes dénonce la prise de pouvoir militaire du 26 novembre, qu’il qualifie d’« interruption pure et simple » du processus électoral. Il accuse l’ex-président Embalo d’avoir « monté de toutes pièces » le putsch et exhorte la Cedeao à imposer la publication des résultats du scrutin.
Aristide Gomes : "Ce n'était pas un coup d'état, mais un arrêt du processus électoral"
Une junte qui invoque le « risque de guerre civile »
Depuis le 26 novembre, la Guinée-Bissau est de nouveau plongée dans une transition militaire. La veille de l’annonce prévue des résultats provisoires de la présidentielle et des législatives, des soldats ont renversé le président sortant Umaro Sissoco Embalo, suspendant l’ensemble du processus électoral.
Jeudi, la junte a officialisé la création d’un Conseil national de transition (CNT), chargé de superviser la période de transition d’un an dirigée par le général Horta N’Tam, un proche d’Embalo. Les militaires justifient leur intervention par un « risque de guerre civile à caractère ethnique » dans un contexte électoral tendu.
Pour Aristide Gomes, plusieurs fois Premier ministre et figure majeure du PAIGC, cet argument ne résiste pas à l’analyse : « Ce n’était pas un coup d’État » au sens classique, dit-il, « mais une interruption pure et simple d’un processus électoral qui était déjà à la fin. La seule chose qui manquait, c’était la proclamation des résultats. »
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« Des actes criminels » et une transition opaque
L’ancien chef du gouvernement se montre particulièrement sévère envers le CNT, dont la composition et les critères de sélection n’ont toujours pas été rendus publics.
« Il y a plus qu’une absence de transparence, il y a des actes de crime », accuse-t-il. « Le fait d’empêcher la proclamation des résultats, le fait de s’en prendre à l’opposition, de mettre tout le monde en prison… Le candidat vainqueur des élections est lui-même recherché. »
L’opposant Fernando Dias, principal adversaire d’Embalo, affirme avoir remporté la présidentielle du 23 novembre. La Commission électorale, elle, dit ne plus être en mesure de publier les résultats en raison de la destruction de procès-verbaux par des hommes armés le jour du putsch. Pour Aristide Gomes, laisser durer la transition serait « mortel pour la démocratie et l’État de droit ».
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Le rôle de la Cedeao : « persister jusqu’à la proclamation des résultats »
L’ancien Premier ministre se prononce également sur la récente tentative de putsch au Bénin et la réaction rapide de la Cedeao, qui a déployé des troupes pour soutenir le gouvernement de Cotonou.
« C’est condamnable, toujours, les tentatives de coups d’État. Ce sont des moyens qui ne correspondent pas au fonctionnement de l’État de droit », estime-t-il. « L’intervention de la Cedeao correspond bien à la charte de l’organisation concernant la démocratie et l’État de droit. »
Mais il regrette que la même fermeté n’ait pas été exercée pour défendre le processus électoral bissau-guinéen : « Il fallait que la Cedeao intervienne en Guinée-Bissau pour que les résultats soient proclamés, pas pour remettre en place Sissoco Embalo, parce que lui, visiblement, il a monté de toutes pièces ce coup d’État. »
Pour lui, la voie de sortie est claire : « Il faut que la Cedeao exige, persiste pour que les résultats soient proclamés. Si vous proclamez les résultats aujourd’hui, la junte militaire doit disparaître. Le résultat, tout le monde le connaît : c’est la victoire de Fernando Dias. »
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