Ce jugement était très attendu sur l'ensemble du continent africain, où l'homosexualité reste illégale dans plus de la moitié des pays subsahariens.
Les clauses du code pénal du Botswana relatives aux relations entre personnes du même sexe "sont annulées", a déclaré le juge Michael Leburu mardi à la Haute Cour à Gaborone.
"La justice ordonne que les lois soient amendées", a-t-il ajouté au terme d'un jugement rendu à l'unanimité par trois juges.
Les clauses en question sont "des reliques de l'ère victorienne" qui "ne sont plus viables", a estimé le magistrat.Elles "oppressent une minorité" et "ne passent pas l'épreuve de la constitutionnalité".
A l'énoncé du jugement, les dizaines de militants réunis dans la salle d'audience bondée se sont embrassés, ont applaudi et brandi un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre, queers).
La Haute Cour s'est prononcée sur ce sujet sensible sur requête d'une personne anonyme - identifiée pendant la procédure par ses seules initiales LM pour des raisons de sécurité - qui contestait le code pénal.
Le texte en vigueur depuis 1965 prévoyait des peines pouvant aller jusqu'à sept ans de prison.
"Le temps est venu que la sexualité entre personnes du même sexe soit décriminalisée", a conclu le juge Leburu.
- 'Fin de l'exclusion' -
Les défenseurs des droits humains et de la communauté LGBTQ ont accueilli avec soulagement cette décision.
"C'est la fin de l'exclusion dont nous avons souffert", a réagi Anna Mmolai-Chalmers, présidente de l'organisation de lesbiennes, gays et bisexuels du Botswana (Legabibo)."Nous sommes en train de faire l'histoire", a renchéri un militant, Thabo Otulike Mampane.
L'organisation Amnesty International a salué "une victoire pour l'égalité", appelant "les autres pays africains à suivre l'exemple du Botswana, source d'inspiration".
Le mois dernier, le Kenya avait refusé d'abroger les lois réprimant les relations homosexuelles.
A l'échelle mondiale, "au moins 67 pays ou territoires" criminalisent encore les relations sexuelles, selon l'Onusida qui a salué le jugement "historique" rendu au Botswana.
Devant le tribunal de Gaborone, des militants ont brandi des pancartes proclamant "Il n'y a rien de mal à être différent, mais il est injuste d'être discriminé".
Au quotidien, les homosexuels sont victimes de stigmatisation au Botswana, considéré pourtant comme l'un des Etats africains les plus démocratiques. Dans les hôpitaux publics, "on reçoit des commentaires négatifs", a témoigné Thato Game Tsie, militant de Legabibo.
Les lois antigays empêchent "les gens d'avoir accès à des services essentiels, notamment des services de santé", a rappelé l'Onusida, alors que le risque de contracter la maladie est 28 fois plus élevé chez les hommes homosexuels que parmi la population en général.
Avec un taux de prévalence du sida de 22,8% chez les adultes, le Botswana est l'un des pays les plus touchés par la maladie.
- 'Moralité' -
La législation antigay au Botswana "limite les interactions que je peux avoir avec des personnes qui s'identifient de la même manière que moi, car je crains d'être emprisonné", avait expliqué en mars "LM", à l'origine de la procédure.
Le représentant de l'Etat avait, lui, estimé que la population du Botswana n'était pas prête à un changement d'attitude vis-à-vis de l'homosexualité, disant argumenter au nom de la "moralité publique".
Les relations homosexuelles ont lieu "dans un espace privé" donc elles "ne peuvent pas avoir d'impact sur la moralité publique", a tranché le juge Leburu mardi.
Depuis ces dernières années, le Botswana est devenu progressivement plus tolérant à l'égard de l'homosexualité.
En 2018, le président Mokgweetsi Masisi avait regretté que dans son pays "beaucoup de personnes entretenant des relations avec des personnes du même sexe (...) aient été agressées et aient souffert en silence".
Le gouvernement n'a pas dans l'immédiat réagi au jugement, dont il peut faire appel.
Après la décision de la Haute Cour, "la prochaine étape" est qu'"on puisse se marier avec n'importe qui sans aucune discrimination", a estimé Tshepo Ricky Tau-Kana, une militante transgenre.
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