Des centaines de Soudanais sont descendus dans les rues de la capitale au petit matin, laissant éclater leur joie et clamant "Le sang des martyrs n'a pas coulé pour rien", en référence aux victimes de la répression des manifestations ces derniers mois.
Après deux nuits de négociations, le Conseil militaire, au pouvoir depuis la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril, et les meneurs du mouvement de protestation se sont accordés sur le principe d'une présidence alternée à la tête de la future instance qui doit diriger la transition pendant trois ans.
C'était le principal point de discorde entre les deux parties qui avaient suspendu les discussions le 20 mai, faute d'accord.
La tension s'était encore accrue après la violente dispersion d'un sit-in devant le siège de l'armée à Khartoum le 3 juin, un drame qui a fait plusieurs dizaines de morts parmi les manifestants et des centaines de blessés.
"Nous avons traversé une phase difficile.Nous avons souvent eu le sentiment que notre révolution avait été détournée, mais aujourd'hui nous pouvons célébrer notre victoire", s'est félicité Mohamed Hussein, en observant les scènes de liesse, accompagné de ses enfants.
Aucun membre des forces de sécurité ou des paramilitaires des redoutées Forces de soutien rapide (RSF), n'était présent pendant ces défilés, a constaté un journaliste de l'AFP.
Dans la rue, les Soudanais continuent toutefois de réclamer un "gouvernement civil" et sur les réseaux sociaux, beaucoup restent prudents et ne font pas confiance aux militaires.
"Ce n'est pas fini, mais les règles du jeu ont changé.On doit être malin maintenant", a mis en garde un internaute sur Twitter.Plus sceptique, un autre a écrit, "Ce n'est pas pour ça que nos martyrs sont morts".
- "Alternance" -
Le Conseil militaire, qui a pris les rênes du pays avec la destitution et l'arrestation en avril de M. Béchir, était engagé depuis dans un bras de fer avec le mouvement de contestation.
Grâce à des médiateurs éthiopiens et de l'Union africaine (UA), les deux camps ont repris le dialogue mercredi.
"Les deux parties se sont mis d'accord sur l'instauration d'un conseil souverain, avec une alternance entre les militaires et les civils, pour une période de trois ans ou un peu plus", a expliqué le médiateur de l'UA, Mohamed El-Hacen Lebatt, lors d'une conférence de presse vendredi, sans donner plus de détails sur le mécanisme qui sera mis en place.
Selon le plan de transition établi par les médiateurs et négocié ces derniers jours par les deux parties, l'instance devait initialement être présidée par un militaire pendant 18 mois, avant qu'un civil ne prenne la relève jusqu'à la fin de la transition.
Le conseil sera composé de six civils, dont cinq issus de l'ALC, et de cinq militaires, avait annoncé à l'AFP un leader de la contestation, Ahmed Rabie.
- "Prochaine phase" -
Le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, a salué l'accord vendredi.
"Nous espérons que la prochaine phase sera celle de l'établissement d'un système constitutionnel solide qui renforce le rôle des institutions avec un large soutien populaire et national", a-t-il déclaré sur Twitter.
Le numéro deux du Conseil militaire, le général Mohammed Hamdan Daglo, surnommé "Hemeidti", a salué l'accord tôt vendredi.
"Nous voulons rassurer toutes les forces politiques (...) et tous ceux qui ont participé au changement", a-t-il dit."Cet accord sera complet, il n'exclura personne et inclura toutes les ambitions du peuple."
Les deux camps se sont aussi mis d'accord pour "une enquête minutieuse, transparente, nationale et indépendante, sur les différents incidents violents malheureux qu'a connu le pays ces dernières semaines", a souligné M. Lebatt.
La contestation réclamait depuis des semaines une enquête indépendante et internationale sur la dispersion du sit-in le 3 juin, ce que les généraux avaient refusé après avoir mis sur pied leur propre comité d'investigation militaire.
Depuis le 3 juin, la répression a fait 136 morts, dont une centaine dans la seule dispersion du sit-in devant le siège de l'armée à Khartoum, selon un comité de médecins proche de la contestation.Les autorités évoquent un bilan de 71 morts depuis la même date.
Des dizaines d'autres personnes avaient été tuées dans la répression des manifestations après le déclenchement du mouvement le jour de la décision du gouvernement de tripler le prix du pain le 19 décembre.
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