Combats au Soudan avant l'expiration d'une trêve jamais respectée

Les combats ont encore fait rage lundi au Soudan, où les appels aux armes se multiplient, au dernier jour d'une trêve d'une semaine jamais respectée et que les médiateurs internationaux veulent prolonger.

AFRICA RADIO

29 mai 2023 à 12h51 par AFP

Khartoum (AFP)

Des habitants de Khartoum ont raconté à l'AFP que des combats se déroulaient dans la banlieue nord et que des tirs d'artillerie étaient entendus dans le sud de la capitale, une ville de plus de cinq millions d'habitants. 

Depuis le début de la trêve le 22 mai, certains parviennent à sortir rapidement pour acheter de quoi manger ou boire, pour deux fois plus cher qu'avant la guerre.

Mais des milliers de familles continuent à se terrer chez elles, sans eau courante ni électricité pour beaucoup, par peur des balles perdues.

La situation est pire au Darfour, une vaste région de l'ouest du Soudan, frontalière du Tchad, déjà ravagée par la guerre dans les années 2000, selon Toby Harward, un responsable du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.

- Nouveaux-nés morts à l'hôpital -

"Des combats sporadiques entre militaires et paramilitaires ces derniers jours à El-Facher, au Darfour-Nord, jusqu'à l'intérieur du camp de déplacés d'Abou Chouk, ont fait des victimes civiles", dit-il.

Des maisons ont été pillées et des dizaines de milliers de personnes ont été de nouveau déplacées par ces combats qui sont "une violation flagrante du cessez-le-feu et empêchent la distribution d'aide humanitaire", a-t-il ajouté.

Selon l'ONU, 25 des 45 millions de Soudanais dépendent désormais de l'aide humanitaire, dans ce pays qui est l'un des plus pauvres du monde.

Lundi dernier, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, le dirigeant de facto du Soudan, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, son adjoint devenu son rival, s'étaient engagés à cesser raids aériens, tirs d'artillerie et combats de rue pour laisser sortir les civils et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire.

Mais au septième jour de la trêve, qui expirera à 19H45 GMT, les rares cargaisons de nourriture et de médicaments parvenues à quelques hôpitaux de Khartoum ou dans des zones épargnées par les combats ne sont qu'une goutte d'eau face aux besoins.

Au Darfour-Est, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "une trentaine de nouveaux-nés sont morts dans un hôpital depuis le début des combats, dont six la même semaine faute d'oxygène durant les coupures d'électricité".

Depuis le début de la guerre le 15 avril, plus de 1.800 personnes ont été tuées, selon l'ONG ACLED, spécialisée dans le recueil d'informations dans les zones de conflit, dont 18 humanitaires.Plus d'un million d'autres ont été forcées de se déplacer ailleurs au Soudan et près de 350.000 en dehors du pays, selon l'ONU. 

- "Guerre civile" -

Les Etats voisins redoutent une contagion et réclament des aides à l'ONU, qui en retour répète n'avoir reçu qu'une infime part des fonds de ses bailleurs.

Lundi, l'ONU a prévenu qu'avec la guerre, le Soudan a rejoint la liste des dix pays qui pourraient connaître sous peu la famine.

Dans quelques jours, la saison des pluies commencera et avec elle sa cohorte d'épidémies, du paludisme au choléra.

Le pays devra faire face avec les trois quarts des hôpitaux hors service dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins, et d'autres débordés dans les zones épargnées mais où s'entassent les déplacés.

Les belligérants laissent entendre qu'ils pourraient prolonger leur trêve comme le réclament les médiateurs saoudiens et américains qui ont négocié ce cessez-le-feu avec les deux camps.

Mais sur le terrain, les signaux ne sont pas à l'apaisement.

Après l'armée qui a rappelé ses retraités, des tribus de l'est du pays qui réclament des armes, le gouverneur du Darfour, un ex-rebelle désormais allié de l'armée, a appelé les civils à prendre les armes.

Le parti Oumma, le plus ancien du pays, évincé du pouvoir par le putsch mené en 2021 par les deux généraux désormais en guerre, a dénoncé une "tentative d'entraîner le pays dans la guerre civile".

Que la trêve soit prolongée ou pas, un nouveau danger restera présent: de plus en plus de projectiles n'ayant pas explosé jonchent les routes et même les immeubles, a averti l'agence de l'ONU en charge du déminage.