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Le Kenya choqué par le classement d'une affaire emblématique de violences policières

Quinze agents accusés de s'être déchaînés gratuitement sur une famille, sous prétexte de faire respecter le couvre-feu: l'affaire devait faire date au Kenya, rongé par les violences policières...Jusqu'à ce que les poursuites soient soudainement abandonnées, à la surprise générale.

D&eacute;but f&eacute;vrier, les victimes pensaient assister &agrave; un moment historique.Voir autant de policiers devant un tribunal pour un usage excessif de la force, cela n'&eacute;tait encore jamais arriv&eacute; dans ce pays d'Afrique de l'Est.
Mais &agrave; l'audience, l'accusation a annonc&eacute; le classement de l'affaire, sans aucune explication.
"Le procureur s'est juste pr&eacute;sent&eacute; et a dit: +J'abandonne les poursuites+.On ne leur a m&ecirc;me pas demand&eacute; de plaider", s'&eacute;tonne Peter Kiama, directeur de l'ONG Independent Medico-Legal Unit, qui conseille les victimes.
Selon plusieurs avocats et d&eacute;fenseurs des droits humains, le classement de cette affaire m&eacute;diatique ram&egrave;ne le Kenya des ann&eacute;es en arri&egrave;re, lorsque l'Etat couvrait la police et que les proc&egrave;s embarrassants disparaissaient sans faire de vagues.
Embl&eacute;matique, la proc&eacute;dure avait n&eacute;cessit&eacute; pr&egrave;s d'une ann&eacute;e d'enqu&ecirc;te et avait re&ccedil;u le soutien de la Direction des poursuites p&eacute;nales (DPP), avant cette r&eacute;tractation soudaine.
Ni la police, ni le parquet ne se sont exprim&eacute;s publiquement sur ce retrait des charges et n'ont souhait&eacute; r&eacute;pondre aux questions de l'AFP.
"Toute personne soucieuse de transparence a de quoi &ecirc;tre choqu&eacute;e et grandement d&eacute;&ccedil;ue par ce retournement de situation", d&eacute;plore M. Kiama.

- D&eacute;ferlement de violence -

Le 30 mars, peu apr&egrave;s le couvre-feu instaur&eacute; contre le coronavirus, les policiers ont p&eacute;n&eacute;tr&eacute; au domicile de Benard Orenga, un habitant du comt&eacute; de Busia (ouest), en "accusant la maison d'&ecirc;tre un bar", selon le directeur d'Amnesty International au Kenya, Irungu Houghton.
L'intervention a d&eacute;g&eacute;n&eacute;r&eacute; en d&eacute;ferlement de violence, selon l'acte d'accusation: ils ont fait usage de gaz lacrymog&egrave;ne, d&eacute;truit meubles et fen&ecirc;tres, et ont pass&eacute; &agrave; tabac M. Orenga, avant de frapper avec matraques et fouets sa femme, ses enfants et les voisins.
Apr&egrave;s enqu&ecirc;te, l'Autorit&eacute; ind&eacute;pendante de supervision de la police (IPOA) a recommand&eacute; de poursuivre les 15 agents et six policiers municipaux, ce que le parquet a officiellement fait le 21 janvier.
L'affaire a fait les gros titres.Elle marquait un tournant, apr&egrave;s une ann&eacute;e rythm&eacute;e par des manifestations contre les cas mortels de violences polici&egrave;res et o&ugrave; les r&eacute;seaux sociaux ont &eacute;t&eacute; inond&eacute;s de vid&eacute;os de tabassages et d'abus, accusant les forces de l'ordre de se d&eacute;cha&icirc;ner gratuitement pendant le couvre-feu.
"Nous avons exult&eacute;.C'&eacute;tait sans pr&eacute;c&eacute;dent", explique Harriet Wachira, coordinatrice chez Transparency International.
Amnesty International et d'autres ONG ont recens&eacute; 166 morts caus&eacute;es par les forces de l'ordre au Kenya en 2020, un record depuis la cr&eacute;ation de telles statistiques en 2007.De son c&ocirc;t&eacute;, l'IPOA a enregistr&eacute; 15 d&eacute;c&egrave;s li&eacute;s &agrave; la violence utilis&eacute;e pour faire respecter le couvre-feu.

- "Impunit&eacute;" -

Malgr&eacute; cette ann&eacute;e noire, la DPP n'a engag&eacute; des poursuites que dans une seule autre affaire li&eacute;e &agrave; la pand&eacute;mie: celle d'un enfant de 13 ans, mort par balles apr&egrave;s que la police ait ouvert le feu pour disperser la foule &agrave; l'heure du couvre-feu dans un bidonville de Nairobi.
"R&eacute;volutionnaire", le proc&egrave;s des 15 policiers aurait permis de rappeler que personne n'est au-dessus des lois, selon l'avocat Demas Kiprono, directeur de campagne chez Amnesty.
Au Kenya, tr&egrave;s peu de policiers ont affaire &agrave; la justice et les condamnations sont encore plus rares.Amnesty a enregistr&eacute; 778 cas mortels de violences polici&egrave;res et de disparitions forc&eacute;es depuis 2007, mais seulement 28 ont fait l'objet de poursuites.
L'IPOA, cr&eacute;&eacute;e en 2011 pour instaurer une supervision civile de la police, se heurte &agrave; l'une des institutions les plus puissantes et les plus corrompues du pays.Fin 2019, les 6.000 enqu&ecirc;tes lanc&eacute;es depuis sa naissance avaient abouti &agrave; six condamnations de policiers.Contact&eacute;e, elle n'a pas r&eacute;pondu.
Les associations d&eacute;fendent pourtant son action.Selon elles, la police se prot&egrave;ge, en refusant de signaler les morts en garde &agrave; vue ou en transf&eacute;rant les officiers probl&eacute;matiques.&nbsp;
"Ce n'est pas facile d'enqu&ecirc;ter sur des individus qui font partie d'une institution empreinte d'une culture de l'impunit&eacute;", reprend M. Kiama.
Dans cette affaire embl&eacute;matique, les associations r&eacute;clament d&eacute;sormais des explications &agrave; la justice."C'&eacute;tait un symbole, donc on ne va pas laisser passer &ccedil;a."&nbsp;

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