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Rapport annuel Amnesty 2023/24 : Jean-Claude Samouiller

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Omar el-Béchir, l'autocrate déchu derrière les barreaux

Putschiste, autocrate corrompu, criminel recherché: l'ex-président soudanais Omar el-Béchir, qui comparaît mardi devant la justice à Khartoum pour son coup d'État en 1989 et risque la peine de mort, a montré différents visages en 30 ans de règne autoritaire.

L'ex-dictateur de 76 ans, aujourd'hui d&eacute;tenu &agrave; la prison de Kober &agrave; Khartoum o&ugrave; il enfermait ses opposants, avait &eacute;cras&eacute; impitoyablement toute contestation apr&egrave;s son accession au pouvoir.
C&eacute;l&egrave;bre pour les pas de danse qu'il n'h&eacute;sitait pas &agrave; entreprendre en public, l'homme n'a jamais manqu&eacute; d'assurance, assumant chacune de ses postures politiques.
Quelques jours seulement avant d'&ecirc;tre destitu&eacute; le 11 avril 2019 par l'arm&eacute;e sous la pression de la rue, Omar el-B&eacute;chir haranguait encore la foule, en tenue safari et faisant tournoyer sa canne au dessus de sa t&ecirc;te.
Ce n'est qu'apr&egrave;s quatre mois de manifestations de rue que la contestation aura raison de lui, l'emp&ecirc;chant de briguer un nouveau mandat en 2020 apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; &eacute;lu deux fois pr&eacute;sident, en 2010 et 2015, dans des scrutins boycott&eacute;s par l'opposition.

- Coup d'Etat -

Pendant une d&eacute;cennie, il aura nargu&eacute; l'opinion internationale en paradant lors de visites &agrave; l'&eacute;tranger malgr&eacute; un mandat d'arr&ecirc;t de la Cour p&eacute;nale internationale (CPI) en 2009 pour "crimes de guerre", "crimes contre l'humanit&eacute;" au Darfour, et un autre de 2010 pour "g&eacute;nocide".
Dans le conflit du Darfour &agrave; partir de 2003, les milices arabes pro-r&eacute;gime Janjawid avaient terroris&eacute; la population de la province occidentale.Bilan selon l'ONU: 300.000 morts et 2,5 millions de d&eacute;plac&eacute;s.
Le Conseil souverain soudanais, constitu&eacute; en ao&ucirc;t 2019 pour superviser la transition politique, a affirm&eacute; en f&eacute;vrier qu'Omar el-B&eacute;chir serait remis &agrave; la CPI.
Mais c'est une affaire de corruption, pour des fonds per&ccedil;us aupr&egrave;s du prince h&eacute;ritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, qui lui a valu sa premi&egrave;re condamnation en d&eacute;cembre &agrave; Khartoum &agrave; deux ans de d&eacute;tention dans un centre correctionnel pour personnes &acirc;g&eacute;es.
Cr&acirc;ne d&eacute;garni, large moustache et silhouette enrob&eacute;e, Omar Hassan Ahmad el-B&eacute;chir, a deux femmes mais pas d'enfant.
Il est n&eacute; dans la petite ville d'Hosh Bannaga, &agrave; pr&egrave;s de 200 km au nord de Khartoum.
Issu d'une famille pauvre, il appartient &agrave; la tribu des Al-Bedairyya Al-Dahmashyya, l'une des plus puissantes du pays.Form&eacute; &agrave; l'acad&eacute;mie militaire en Egypte, il participe en 1973 &agrave; la guerre contre Isra&euml;l aux c&ocirc;t&eacute;s de l'arm&eacute;e &eacute;gyptienne.
Entour&eacute; d'un groupe d'officiers, il renverse en 1989 le gouvernement d&eacute;mocratiquement &eacute;lu de Sadek al-Mahdi et dirige le pays avec l'appui du Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi.
Sous l'influence de ce dernier, il oriente le Soudan -- pays morcel&eacute; en une pl&eacute;thore de tribus et alors divis&eacute; entre le Nord majoritairement musulman et le Sud peupl&eacute; de chr&eacute;tiens ou animistes -- vers l'islam radical.
Khartoum devient la plaque tournante de l'internationale islamiste, accueillant notamment Oussama ben Laden, avant de l'expulser en 1996 sous la pression des Etats-Unis.
Puis, &agrave; la fin des ann&eacute;es 1990, M. B&eacute;chir tourne le dos &agrave; l'islamisme radical pour am&eacute;liorer ses relations avec ses adversaires et voisins.
- Apog&eacute;e et d&eacute;clin -

"B&eacute;chir est devenu habile avec le temps, il a appris le m&eacute;tier, au d&eacute;part, ce n'&eacute;tait pas une personnalit&eacute; de premier plan",&nbsp;commente Marc Lavergne, directeur de recherches au CNRS, sp&eacute;cialiste de la Corne de l'Afrique.
A l'apog&eacute;e de son pouvoir, il b&eacute;n&eacute;ficie dans les ann&eacute;es 2000 de la manne p&eacute;troli&egrave;re et renforce encore son emprise sur le pays.
En 2005, en plein conflit au Darfour, il signe l'accord de paix avec les rebelles du Sud qui ouvre la voie &agrave; un partage du pouvoir et &agrave; un r&eacute;f&eacute;rendum sur l'ind&eacute;pendance de cette r&eacute;gion.Celle-ci deviendra en 2011 le Soudan du Sud.
Les r&eacute;serves p&eacute;troli&egrave;res &eacute;tant concentr&eacute;es dans le sud, Omar el-B&eacute;chir perd un atout de poids et entame son d&eacute;clin alors que le pays s'enfonce dans une grave crise &eacute;conomique.
Longtemps alli&eacute; de l'Iran, qui l'a aid&eacute; &agrave; mettre en place son appareil s&eacute;curitaire, B&eacute;chir tente un dernier pari en rejoignant le camp du grand rival r&eacute;gional, l'Arabie saoudite, jug&eacute;e meilleure alli&eacute;e apr&egrave;s les r&eacute;voltes arabes de 2011.
"B&eacute;chir a toujours louvoy&eacute; pour survivre &agrave; travers les conflagrations du monde arabe", r&eacute;sume M. Lavergne.