Élection présidentielle au Cameroun : entre incertitudes sécuritaires et enjeux politiques

Actus. À quelques jours de l'élection présidentielle organisée le dimanche 12 octobre, le Cameroun s’apprête à voter dans un contexte marqué par l’absence de campagne du président sortant Paul Biya et des tensions persistantes dans certaines régions, notamment anglophones et l’Extrême-Nord.

Élection présidentielle au Cameroun : entre incertitudes sécuritaires et enjeux politiques
Dimanche 12 octobre, les camerounais se rendront aux urnes pour élire leur prochain président. - Pexels

Dans moins d’une semaine, les Camerounais se rendront aux urnes pour élire leur président. Le pays, acteur important de l’Afrique centrale, est dirigé depuis plus de quatre décennies par Paul Biya, 92 ans. Alors que la guerre se poursuit dans les régions anglophones et que la menace jihadiste perdure dans la région de l’Extrême-Nord, cette élection cristallise les interrogations sur la crédibilité du scrutin et l’avenir politique du pays.

Un président sortant aux abonnés absents

Les rassemblements politiques se multiplient à travers le territoire. Mais le principal candidat, Paul Biya, reste le grand absent de la campagne. "On ne le voit pas dans la capitale Yaoundé, ni dans les régions", souligne Christopher Fomunyoh, directeur pour l’Afrique centrale au National Democratic Institute (NDI) à Washington. Si le président sortant s’efface, ses adversaires, eux, se déploient sur le terrain, au contact direct des électeurs. 

La longévité du règne de Paul Biya sidère Christopher Fomunyoh. La jeune génération "n’aura connu qu’un seul président", se désole-t-il. Le directeur ressent "un vrai besoin de changement (...) une veritable démocratie".

Pour l’expert, la crédibilité du scrutin se mesurera à trois indicateurs : le taux de participation, notamment dans les régions anglophones où il n’avait pas dépassé 10 % en 2018 ; la transparence du dépouillement ; et la réaction de l’opposition face aux résultats. "Jusqu’à présent, la campagne se déroule sans incident majeur, mais tous les candidats ne bénéficient pas du même accès aux lieux de meeting", observe-t-il.

Les enjeux sécuritaires dans les régions anglophones et l’Extrême-Nord

Dans les zones anglophones, la situation reste extrêmement tendue. Les appels au boycott et les “villes mortes” imposées par les séparatistes paralysent la campagne. Malgré tout, certains candidats, comme Joshua Osih ou Cabral Libii, s’y sont rendus — un signe d’ouverture depuis sept ans de conflit.

À l’Extrême-Nord, où les groupes terroristes de Boko Haram et de l’État islamique d’Afrique de l’Ouest (ISWAP) poursuivent leurs incursions, le vote reste menacé par l’insécurité. Même légère, l’amélioration locale de la sécurité reste fragile : les populations anglophones vivent dans la peur de représailles et doivent prendre des précautions dans leurs engagements politiques. L’envie de "tourner la page" du conflit demeure contrainte par la réalité du lock-down séparatiste et la méfiance envers l’appareil d’État. Cette situation influence directement la campagne et le scrutin : certaines zones restent inaccessibles aux candidats, et les populations sont exposées à la violence.

Fractures internes et débat sur le fédéralisme

Face à cette incertitude sécuritaire s’ajoutent les tensions internes du RDPC, parti au pouvoir depuis 1985. Deux ministres issus du Nord, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, ont annoncé leur candidature contre Paul Biya, révélant des divisions au sein de la majorité présidentielle.

L’opposition, de son côté, reste divisée. Cependant, plusieurs figures prônent un retour au fédéralisme pour apaiser la crise anglophone. Comme le souligne Christopher Fomunyoh,  "je suis heureux de constater que pour la première fois, même des personnalités qui auparavant écartaient le concept de fédéralisme le considèrent aujourd’hui publiquement comme une voie possible pour résoudre la crise". Dimanche 12 octobre, le scrutin sera un test décisif pour la crédibilité et l’avenir démocratique du Cameroun.

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Les rendez-vous santé
Nos applications
Facebook
Twitter
Instagram
Élection présidentielle au Cameroun : entre incertitudes sécuritaires et enjeux politiques