Crise politique à Madagascar. "Ce n’est pas la première fois que le pays se trouve dans cette situation", explique l'historien Denis-Alexandre Lahiniriko

Actus. Une unité militaire, le Capsat, qui s’est ralliée au mouvement de contestation du président Andry Rajoelina à Madagascar, a annoncé mardi 14 octobre « prendre le pouvoir », lors d’un discours à Antananarivo, juste après le vote de l’Assemblée nationale ayant destitué le chef de l’État. Denis-Alexandre Lahiniriko, maître de conférences au département d’Histoire de l’Université d’Antananarivo, était l'invité d'Africa Radio ce mercredi 15 octobre.

Crise politique à Madagascar. "Ce n’est pas la première fois que le pays se trouve dans cette situation", explique l'historien Denis-Alexandre Lahiniriko
Le président Andry Rajoelina, qui a quitté le pays, a été destitué par l'Assemblée nationale, qui avait été dissoute quelques heures plus tôt, mardi 14 octobre - Facebook / Andry Rajoelina

Le président Andry Rajoelina, qui a quitté le pays, a été destitué par l'Assemblée nationale, qui avait été dissoute quelques heures plus tôt. Et une partie de l'armée, le CAPSAT, a annoncé prendre le pouvoir, des décisions qui sont contestées par la présidence. Même si Andry Rajoelina n'a pas démissionné et s'accroche au pouvoir, n'est-ce pas, de fait, la fin de sa présidence ?

En tout cas, ce matin, la situation est plus ou moins claire à Madagascar. Déjà, il y a ce coup de force des militaires qui ont donc décidé hier de prendre le pouvoir. Donc, d’une manière, disons, effective, le pouvoir à Madagascar revient aujourd’hui à l’armée. Et c’est vrai que le président Rajoelina n’a pas démissionné. Mais, dans le concret, on parle de quelque chose de concret : aujourd’hui, à Madagascar, le pouvoir revient donc aux militaires. Ça, c’est clair et net.

Le président aurait été exfiltré, d’ailleurs, par un avion français. Emmanuel Macron, lors de sa visite en Égypte, ne s’est pas davantage exprimé à ce sujet, mais il a exprimé son inquiétude concernant la situation à Madagascar. Mais comment la nouvelle de cette exfiltration a-t-elle été accueillie dans le pays ?

En tout cas, d’une manière générale, au niveau de la population, il y avait une certaine inquiétude, parce que, finalement, il s’agit, quelque part, d’une ingérence inacceptable dans la souveraineté de Madagascar. Et ce, du fait qu’il y a cette histoire commune entre Madagascar et la France, la France étant l’ancienne puissance colonisatrice.

Mais n’oubliez pas que la première crise sociopolitique à Madagascar, en 1972, s’expliquait déjà par cette ingérence française dans la gestion du pays, à l’époque. Et, quelque part, la population malgache actuelle voit toujours cette main de la France dans la gestion du pays. Il ne faut pas oublier non plus que le moment où le président Rajoelina a commencé à connaître une certaine contestation de son pouvoir, c’est à partir du moment où la population a découvert qu’il avait demandé la nationalité française.

130 sur 163 députés ont voté pour la destitution du président Rajoelina. Cela veut-il dire que les membres de son propre camp ont aussi voté pour sa destitution ?

En tout cas, une partie, mais pas les membres du bureau permanent de l’Assemblée nationale. Dans tous les cas possibles, je crois que les parlementaires n’avaient pas réellement le choix. À partir du moment où il y a eu cette bascule, où les militaires ont pris le pouvoir en soutenant les manifestants, il était plus ou moins acquis qu’une partie des parlementaires qui soutenaient le président Rajoelina allait basculer vers l’opposition. Sur ce point-là, je crois qu’il n’y a pas eu trop de surprises. C’était plus ou moins prévu.

Pour le moment, c’est le colonel Michaël Randrianirina, qui a d’ailleurs appelé à la mutinerie, qui est autorisé par la Haute Cour constitutionnelle à exercer le pouvoir. Il a promis des élections dans deux ans. Mais le voyez-vous rendre le pouvoir ?

En tout cas, traditionnellement, c’est vrai qu’à Madagascar, pendant les périodes de crise, et ce n’est pas la première fois que le pays se trouve dans cette situation, n’oubliez pas que c’est la cinquième fois, les militaires ont toujours joué un rôle de stabilisateur. C’est le dernier rempart pour empêcher, finalement, le pays de basculer dans l’anarchie.

Mais en temps de paix, il est très rare que les militaires prennent le pouvoir. Pendant les crises, bien sûr, ils interviennent beaucoup. Donc, disons qu’il a promis de rendre le pouvoir après une transition qui devrait durer entre 12 et 24 mois, avec une possible prolongation de 12 mois supplémentaires. C’est une promesse, une promesse non garantie, certes, mais s’il y croit... Normalement, à Madagascar, traditionnellement, les militaires ne devraient pas gérer le pays en temps de paix.

Pour aller plus loin 

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