"Votez, rentrez chez vous et détendez-vous", plaident les électeurs au Kenya

Qu'importe l'attente, le froid matinal ou le soleil de midi, les Kényans votaient mardi, des rives du lac Victoria aux bidonvilles de Nairobi, animés par l'espoir d'un scrutin "libre et équitable" et qui portera au pouvoir un président capable d'améliorer leurs conditions de vie.

AFRICA RADIO

9 août 2022 à 14h06 par AFP

Kisumu (Kenya) (AFP)

Dans la vallée du Rift, terre natale du candidat William Ruto, l'ambiance est sereine et tranquille, à l'image de la campagne. Il y a bien des policiers à l'entrée des bureaux de vote, équipés de longues matraques ou de fusils, mais les tensions et violences qui ont accompagné les précédents scrutins semblent lointaines. 

Dans le calme, une partie des 22,1 millions d'électeurs attendent dans le calme, déterminés à peser lors de ces élections générales pour élire leurs parlementaires, leurs élus locaux mais aussi le cinquième président de la République du Kenya fondée après l'indépendance de 1963.

"Cette élection est différente des autres, elle est calme et paisible", commente Joyce Kosgei, 52 ans et mère de cinq enfants, postée dans la queue devant le bureau de vote de l'école primaire de Kosachei, un village du Rift.Alors que le soleil poursuit sa course, les électeurs troquent leurs shuka - couvertures colorées à carreaux - contre des parapluies.

A quelque 300 km de là, dans le bidonville de Kibera, à Nairobi, aux murs tapissés de portraits sur fond bleu de Raila Odinga, l'autre favori, l'atmosphère est au bain de foule, festive et chargée d'une excitation que même la lenteur ponctuelle du processus n'altère pas. 

Ici comme ailleurs, certains kits électroniques utilisés pour identifier les électeurs se montrent capricieux."Pourquoi est-ce si long?", entend-on parfois dans les files qui s'étirent à travers le pays devant les 46.000 bureaux de vote. 

- "Vivre en paix" -

A Kisumu, autre bastion d’Odinga dans l'ouest du pays et baigné d’euphorie, Kenneth Otieno, 24 ans, est fier de montrer l'ongle de son doigt recouvert d'une encre indélébile violette.Il vient juste de déposer dans les urnes en plastique les six grands bulletins de couleur correspondant aux six scrutins convoqués.Il a voté pour la première fois, satisfait d'"appartenir à l'histoire" et il croit au "changement".

Pour beaucoup, ce changement doit passer par l'amélioration du pouvoir d'achat.Car dans ce moteur économique de l’Afrique de l'Est, pourtant porté par une croissance dynamique, nombre de Kényans ont du mal à joindre les deux bouts. 

Les prix des aliments de base ont explosé, à commencer par celui de la farine de maïs, utilisé pour fabriquer  l'incontournable ugali.Le vote de mardi est donc "important", souligne Nancy Sandi, depuis l'école primaire de Kilimani, un quartier aisé de la capitale, vidée de son agitation habituelle et où nombre de magasins avaient baissé leurs rideaux de fer mardi - déclaré jour férié.

Emmitouflée dans une shuka marron, cette femme de 56 ans sans emploi veut que le chef de l'Etat pour les cinq prochaines années "aide au niveau social tous les citoyens, et pas seulement les membres de sa tribu", explique-t-elle avec une pointe de lassitude. "Nous voulons manger correctement, et vivre en paix".

Perdue comme d'autres électeurs et ne sachant pas dans quel bâtiment est situé son bureau de vote, elle est accompagnée par des assesseurs devant la bonne salle de classe.Là, la devise des élèves, écrite à la main, trône au-dessus du tableau noir: "Travailler dur et fort paiera". 

Pourtant au Kenya, la jeunesse qui représente les trois-quarts de la population, peine à s'insérer sur le marché du travail, et 5 millions étaient au chômage, selon des chiffres officiels publiés en 2020. 

"Notre pays est aujourd’hui rempli de corruption", déplore Ibrahim Ahmed Hussein, vêtu d'une tunique blanche."Nous voulons voir du changement pour la nouvelle génération", affirme cet étudiant de 23 ans, écouteurs sur les oreilles.Et de plaider pour une issue pacifique: "Votez, rentrez chez vous et détendez-vous."