Culture. "Pérou Noir" : l'exposition qui révèle les identités afro-péruviennes à travers l’art et la mémoire

Avant d'apercevoir le reste des œuvres de l'exposition "Pérou Noir", qui se tient dans la galerie du concept-store Little Africa, dans le 18ᵉ arrondissement de Paris, les regards de quatre enfants accueillent les visiteurs. Ces enfants sont les protagonistes de l’œuvre intitulée « Las Raíces de Nuestro Pueblo » (Les racines de notre peuple), des cyanotypes mettant en lumière les différentes identités afro-péruviennes.

L’auteure de cette œuvre est Dedee Mandros une artiste multidisciplinaire afro-péruvienne. Elle se met également en scène dans une autre photographie présentée dans la galerie.

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« L’artiste y explore son identité en tant que femme et en tant que femme queer. Elle évoque un vécu marqué par les violences de genre. Oui, on perçoit le métissage, mais l’œuvre ne traite pas directement de ce thème : elle exprime avant tout une quête identitaire », explique Milena Valcarcel, commissaire de l’exposition.

La mer, elle, n’est pas un simple élément de décor : « On y retrouve des métaphores puissantes comme la force féminine de la mer, souvent associée à des divinités d’origine africaine comme Mami Wata ou Yemayá. Même si l’artiste ne l’a pas formulé explicitement, cette présence marine évoque aussi, symboliquement, le passage forcé de l’esclavage à travers l’océan », détaille-t-elle.

"Tu", Dedee Mandros 

Aux côtés de Dedee Mandros, onze autres artistes exposent leur identité afropéruvienne, en abordant les thématiques de la spiritualité, l'histoire, la culture, leurs traditions et les problématiques liées à leur identité. Dans le pays andin, les afrodescendants représentreraient près de 3% de la population.

Un héritage plus ou moins accepté, comme le décrit la série "Retrato Familiares" (Portrait de Famille), d'Angie Cienfuegos, représentant des silhouettes sans visages, teintées de différences nuances de marron, pour représenter le sang noir, ainsi que le métissage qui coule dans les veines de sa famille.

Série Retratos Familiares, Angie Cienfuegos (2018)

"En Amérique latine, le métissage entre peuples indigènes et africains a toujours été présent"

"Elle explore la question de la représentation identitaire au sein de sa propre famille, qui a souvent refusé de se reconnaître comme afrodescendante", détaille Milena Valcarcel. Une part d'africanité qui est aussi invisibilisée au sein de la société.

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"Etre afro-péruvien au Pérou est quelque chose de très particulier", explique l'artiste Joan Jimenez, alias "Entes". L'artiste, âgé de 43 ans est né d'une mère noire et d'un père indigène et espagnol. Originaire de Lima, la capitale du Pérou, il a le sentiment d'avoir toujours été mis de côté, en raison de son métissage. Pourtant, "en Amérique latine, le métissage entre peuples indigènes et africains a toujours été présent. Ce mélange est tellement enraciné en nous qu'il existe des expressions comme 'celui qui n'a pas de sang Inca a du sang Mandingue.'", relate-t-il.

C'est à cette diversité culturelle qu'il a décidé de rendre hommage dans sa toile intitulée "Jarana con la guitarra y charango".

Joan "Entes" Jimenez et sa toile Jarana con la guitarra y charango

Dans cette œuvre, l’artiste représente une femme indigène et un homme noir, tous deux en train de jouer d’un instrument : la première tient un charango, instrument andin, tandis que le second joue de la guitare. Une scène qui fait écho aux fêtes que sa famille maternelle organisait souvent.
« Les jaranas sont ces célébrations où l’on joue du cajón, un tambour péruvien, et où l’on écoute de la musique afro-péruvienne. Cela a toujours fait partie de ma vie », confie l’artiste. À l’arrière-plan, les fleurs rappellent les motifs que l’on retrouve sur les polleras, ces jupes traditionnelles portées dans plusieurs pays d’Amérique latine et en Espagne.

Une histoire invisibilisée

Bien que la présence africaine sur le sol péruvien remonte au XVIᵉ siècle, son histoire s’est longtemps résumée à l’esclavage. « Quand j’étais à l’école publique, on ne nous enseignait pas qu’il y avait des héros afro-péruviens. Les seuls dont on parlait, c’étaient les saints, comme San Martín de Porres », raconte Joan Jimenez. Ce manque de représentation l’a poussé à chercher des figures d’identification dans d’autres cultures, notamment aux États-Unis.

Une tendance que souhaite inverser Roberto Chávez, avec son court-métrage Monteagudo, qui met en lumière Bernardo de Monteagudo, un révolutionnaire argentin ayant joué un rôle clé dans les indépendances du Chili, de l’Argentine et du Pérou.

Planche du court-métrage Monteagudo, de Roberto Chevez 

La représentation de ce personnage suscite la controverse : parfois figuré avec une carnation mate et une coupe afro courte, dans d'autres portraits, le mate laisse place à une carnation blanche et l'afro, aux cheveux lisses.

Exposition Pérou Noir 
Little Africa Village
6bis rue des Gardes, Paris 18e
Du mardi au samedi de 11h à 19h 
Entrée libre 
Jusqu'au 15 novembre