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Cafards, obscurité, surpopulation : la justice reconnaît l’atteinte à la dignité humaine au Camp-Est de Nouméa

Actus. Des personnes détenus au "Camp-Est" dans le centre pénitentiaire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, ont obtenu des améliorations de leurs conditions de détention. Le tribunal administratif de l’archipel a publié, mardi 28 octobre, une ordonnance obligeant l’administration à agir rapidement pour offrir aux personnes emprisonnées des conditions de vie dignes.

Cafards, obscurité, surpopulation : la justice reconnaît l’atteinte à la dignité humaine au Camp-Est de Nouméa
La justice reconnaît l’indignité des détentions entre cafards et obscurité au "Camp-Est" de Nouméa mardi 28 octobre. - Pexels

La nuit, souris, cafards et mille-pattes leur grimpent dessus. Cloîtrés dans des conteneurs maritimes, les hommes enfermés au Camp-Est de Nouméa "végètent" entre les matelas posés à même le sol et les relents des sanitaires, séparés seulement par un rideau, décrit l’avocat Charly Salkazanov. Sciés et aménagés pour deux personnes, ces conteneurs en abritent en réalité quatre, une exception calédonienne et cette situation concerne "quasiment l’intégralité des détenus hommes".

Face à ces conditions de détention indignes, la justice exige de l’établissement pénitentiaire de Nouvelle-Calédonie des ajustements sous peine de sanctions financières. Cantonnés sur leur lit "23 heures par jour" dans l’obscurité, constate Charly Salkazanov. Les détenus n’ont, en guise de fenêtre, qu’une ouverture grillagée où l’air se rafraîchit ou se réchauffe selon la saison, une installation appelée "caillebotis" qui laisse peu de place à la lumière du jour.

Manque d'intimité dans une cellule insalubre 

"C’est la réalité que vivent un grand nombre de détenus", les obligeant à allumer la lumière constamment ou à demeurer dans l’obscurité totale. Certains développent même des problèmes de vue, observe l’avocat, qui a pu se rendre sur place. Ce dispositif va être retiré sur demande de la cour administrative "afin de permettre un accès à la lumière naturelle en cellule".

Pour obtenir des mesures d’urgence et cesser l’atteinte aux libertés fondamentales, le défensseur a décidé de déposer un recours devant le tribunal administratif de Nouméa : un référé-liberté, une procédure représentant ici 50 détenus. Elle est alimentée par les témoignages et les preuves recueillies lors d’actions judiciaires antérieures. L’ordonnance publiée par l’instance donne raison à la défense, elle reconnaît le risque d’atteinte à la dignité humaine, en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L'eau potable une ressource rare 

Contrairement aux déclarations de la directrice du centre, qui affirme permettre aux personnes incarcérés d’accéder à l’eau potable de manière suffisante, selon elle, il leur a été proposé d’acheter quatre bouteilles d’eau par personne toutes les deux semaines, ainsi que la mise à disposition d’eau potable à l’intérieur des cellules. Ces déclarations sont toutefois réfutées par les témoignages des détenus. Les informations récolté par l’avocat indiquent qu’en réalité, une seule bouteille de 1,5 litre est proposée à la vente par détenu pour la même période.

Charly Salkazanov met également en cause la qualité de l’eau dans les cellules, compte tenu de l’état de dégradation des canalisations, qu’il juge "absolument généralisé". Des odeurs s’en dégagent, remettant sérieusement en question la version présentée par la directrice.

Les maladies circulent

Les mauvaises conditions de détention avait déjà été identifiées en 2024 par Éric Dupond-Moretti, alors garde des Sceaux. À l’époque, il avait "très précisément reconnu l’indignité des conditions de détention". Malgré cet avertissement, l'incarcération reste presque inchangée. Pourtant, le budget alloué à la gestion de la prison est compris entre 400 et 500 millions d’euros par an, une somme conséquente au regard de sa taille.

"À court terme, la santé des prisonniers se dégrade", indique l’avocat. La présence de nuisibles, confirmée par le "Camp-Est" lui-même, est à l’origine de la propagation de maladies. Des infections telles que la tuberculose se transmettent rapidement en raison de la surpopulation carcérale, quantifiée à 139 %. Les détenus se retrouvent à cohabiter avec des personnes atteintes de pathologies pouvant être graves. Les locaux infestés par les nuisibles, devront rapidement être dératisés et désinfectés selon les exigences de la cour.

Un climat pathogène accentué par le manque d’accès aux soins.

Les 550 détenus sont pris en charge par un seul médecin, provoquant un allongement des parcours de soins. De plus, il y a "une défaillance totale des prescriptions médicales", souligne l’homme de loi. Depuis 2024, un travail de rationalisation des prescriptions de psychotropes a été engagé par le centre pénitentiaire, suite au trafic interne de médicaments révélé par l’Observatoire international des prisons. Il existe également des difficultés d’extraction pour les hospitalisations, en raison du déséquilibre entre le personnel pénitentiaire et la masse de la population carcérale. Le centre pour respecter les conditions de détention dignes, selon le tribunal,  doit "assurer un accès effectif et régulier aux soins médicaux, tout en permettant la consultation rapide".

Vétuste et dangereux, l’établissement "punit trop, puisqu’il rend des détenus, qui étaient plutôt sains à leur arrivée, à la fois malades physiquement et psychologiquement", déplore l’avocat. Ils n’ont pas la possibilité de participer à des activités ou de se former. Ces privations sont reconnues par l’institution judiciaire comme une atteinte au code pénitentiaire et aux textes nationaux, européens et internationaux du droit au travail.

Le combat continue pour l’avocat, même s’il avoue ressentir de la satisfaction face au verdict. Il compte investir le volet indemnitaire pour obtenir réparation des conditions indignes que les juges, travaillant sur cette procédure, n’ont pas pu réguler, puisque celle-ci est conçue pour traiter les demandes urgentes et non structurelles.

Ces nombreux dysfonctionnements sont répandus dans les centres pénitentiaires d’outre-mer, admet Charly Salkazanov, où la surpopulation est plus importante qu’en métropole.

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