Turban blanc et gallabiya grise, Homos Ibrahim, 71 ans, vote pour la première fois à une présidentielle libre.Dans ce village agricole du delta du Nil, les habitants, dont beaucoup vivent dans la pauvreté, rêvent d'emploi, de sécurité et de conditions de vie décentes.
"J'espère qu'il y aura de grands changements, que le nouveau président prendra des mesures concrètes pour que les gens puissent avoir accès à l'eau potable, à l'éducation, à un bon système de santé", dit le vieil homme avant de gravir l'escalier menant au bureau de vote installé dans une salle de classe.
Dans cette école à la cour en terre battue, les murs sont défraîchis, le sol sale et les toilettes presque insalubres, témoignant du manque d'investissement dont a pâti ces dernières années le système éducatif en Egypte, où près de 40% de la population est illettrée.
Afin que tous puissent voter sans l'aide d'un tiers, le long bulletin de vote en couleurs affiche d'ailleurs, outre le nom des candidats, leur photo et leur symbole.Celui du candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi est une balance, celui de l'ex-patron de la Ligue arabe Amr Moussa un soleil.
Les votants doivent simplement faire une croix devant leur candidat, avant de plonger le doigt dans un pot d'encre bleue, preuve de leur participation.
Visage encadré par un foulard noir, Samira Saïd Mohamed a opté pour Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre du président déchu Hosni Moubarak dont elle espère qu'il parviendra à "résoudre les nombreux problèmes" du pays.
"Beaucoup de gens sont au chômage et les jeunes qui sortent de l'université ou du lycée ne trouvent pas d'emploi", dénonce-t-elle avec colère, au côté de sa fille de 20 ans, dans cette situation depuis sa sortie de l'école il y a deux ans.
Le chômage, déjà élevé sous Hosni Moubarak (9%), est passé à 12% depuis la révolte de janvier-février 2011, et même à 24% chez les jeunes, dans une économie au ralenti.
Le mari de Samira ne gagne que 2O livres par jour (environ 2,60 euros) quand il a la chance d'être employé dans des fermes.Et pour cette femme, même avec ses revenus d'employée de maison (150 livres par semaine), le quotidien est difficile, ayant cinq bouches à nourrir.
Mais, reconnaît-elle, sa situation est loin d'être la pire.
A quelques pas de l'école, Cherdah Farag tient à montrer son minuscule atelier installé en pleine rue, où il répare des pneus.
"J'espère qu'une nouvelle ère va arriver.Moubarak a pris tout l'argent du pays", s'emporte-t-il."Certains jours, je ne gagne rien, parfois je gagne 10 livres, parfois 20. J'attends du nouveau président qu'il donne du travail à tout le monde" et que la situation s'améliore afin de pouvoir "nourrir mes cinq enfants".
Alors que la vote se déroule sans accroc et que dans la rue chacun discute tranquillement, une bagarre entre partisans de différents candidats éclate soudainement.Venu en observateur, le député Amr Hamzawy a commencé à détacher une affiche d'un candidat, toute propagande électorale étant désormais interdite.La tension est montée rapidement avant que la foule ne retrouve son calme.
Dans les rues du village du nord du pays, où la moitié de la population travaille dans l'agricuture et l'autre comme ouvriers, se croisent motos neuves et habitants sur des ânes, signe que la croissance s'est faite à deux vitesses.Certains enfants marchent pieds nus sur le sol jonché de détritus.
Assis devant son magasin de tissus, Reda Rachad, le front marqué d'une "zebiba" --marque brunâtre arborée par les assidus de la prière-- réclame la fin des privilèges régnant sous Moubarak, mais surtout le retour à la sécurité.
Expliquant ne plus oser sortir de chez lui après la tombée de la nuit, en raison des vols et agressions qui se sont multipliés depuis la révolte, il espère que "le nouveau président changera tout".Mais, admet-il: "je n'ai vu aucun changement pour le moment".
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