Mali: face aux occupants, Tombouctou avait choisi de "s'en remettre à Dieu"

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TOMBOUCTOU (Mali) (AFP) - (AFP)

Tombouctou ne s'est pas rebellée quand des "bandits" se disant "jihadistes", l'ont occupée pendant dix mois: suivant le conseil des sages, la cité malienne n'a mené "aucune résistance" préférant "s'en remettre à Dieu", assurent ses notables, une semaine après sa libération.

Dans le mini-salon "Elégance coiffure chez Bocar", donnant directement sur le sable d'une rue du grand marché, Abdoul Salam Ascofaré fait tailler sa barbe blanche."Généralement, le Tombouctien est stoïque, pacifique, et il voit en tout un phénomène de Dieu", assure l'ancien instituteur de 67 ans.

Quand les groupes armés islamistes ont pris le contrôle de la "cité des 333 saints", en avril 2012, "nous avions l'expérience de nos grands-parents qui avaient subi la colonisation" française à partir de 1893."Nous avons trouvé dans nos bibliothèques une lettre des notables de Djenné aux notables de Tombouctou, leur conseillant de ne pas prendre les armes contre le colonisateur plus fort qu'eux et de s'en remettre à Dieu".

"J'aurais préféré une résistance quelle qu'elle soit, parce qu'il y a eu énormément d'abus et de déboires et, pour moi, c'était lâcheté de les accepter", assure-t-il, sans s'apesantir sur l'amputation publique d'un présumé voleur, les châtiments imposés, les viols de femmes emprisonnées, les destructions des mausolées...

"La volonté du conseil des sages a prédominé: aucune résistance", dit-il, assurant que les jeunes avaient alors été dissuadés d'agir.

Mais une fois Tombouctou libérée par les forces françaises et maliennes, "je me suis rendu à l'évidence: s'il y avait eu résistance physique, cela aurait attisé la haine des occupants et il y aurait eu plus de morts", commente le "notable".

"Sans travail et illettrés"

En ville, on ne parle ouvertement que de trois morts civils en dix mois: un homme qui aurait été victime d'une balle perdue, un "meurtrier Touareg" exécuté en public et un jeune homme accusé de vol, tué alors qu'il aurait tenté de fuir.

Pour M. Ascofaré, Tombouctou a peut-être pratiqué "une forme de résistance passive"."Moi qui vous parle, je n'ai jamais serré la main d'un de ces prétendus jihadistes, je les ai évités, dédaignés.On n'a rien fait mais on ne s'est pas associés à eux".

La collaboration de Maliens aura surtout été le fait de "gens des villages alentours, des sans travail, des illettrés, venus se faire recruter parce qu'ils ne connaissaient rien et étaient contents de porter un fusil", soutient Baba Abdou Touré, 38 ans, ex-animateur de la radio Al-Farouk fermée par les envahisseurs.

Servant de guide à l'AFP, il conduit au domicile d'un des plus importants religieux de la cité.Dans l'entrée d'une maison de calcaire où gambade un lapin blanc, cette personnalité accepte la rencontre à condition que son nom ne soit pas publié.

"Tombouctou est la seule ville au monde qui n'a jamais connu que l'islam et ces gens-là prétendaient nous islamiser!Mais ils venaient nous terroriser pour sauvegarder le banditisme imposé dans le Sahara avec tous leurs trafics", affirme ce religieux.

"La population n'a pas résisté, elle a assumé.Il faut pouvoir se maîtriser, garder son silence, prier (...).Tous ceux qui viennent faire du mal à cette ville, le mal se retourne contre eux et c'est ce qui s'est produit", dit-il, assurant que tout ira bien, car "le Tombouctien pardonne, quoi qu'il arrive".

Dans son atelier de tailleur-brodeur, le chef du quartier de Sareïkaina, Ousmane Alamine Touré, 72 ans, revient sur les jours noirs, quand "les bandits islamistes sillonnaient la ville jusqu'au fleuve avec leurs armes lourdes.Nous allions dormir dès 19H00, venions au marché avec la peur au ventre".

"Nous avons résisté avec la patience, seulement".

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