À partir de 20H00 (19H00 GMT), à toutes les entrées du quartier de Lakouanga, dans le sud de la ville, se dressent des barricades faites de bric et de broc, tables, chaises, morceaux de bois, a rapporté un journaliste de l'AFP.
Des jeunes masqués, armés de couteaux ou de machettes, assurent le "service d'ordre"."On commence par fouiller les voitures qui veulent passer et si un passager n'est pas du quartier, on lui pose des questions", explique, poignard à la main, un jeune coiffé d'un béret noir, le visage caché derrière un masque de chantier.
Selon lui, les barrages nocturnes ont commencé à apparaître après le 1er mai, journée marquée par une explosion de violences qui a fait au moins 24 morts et 170 blessés.Une église, l'église de Fatima, a été prise sous le feu d'hommes armés venus du quartier musulman du PK5: des civils y ont été tués, dont un prêtre.
Dans la foulée, au moins deux musulmans ont été lynchés et deux mosquées pillées, alimentant la réthorique de ceux qui tentent de confessionnaliser le conflit.
L'objectif officiel du barrage de Lakouanga est d'empêcher des membres de milices armées du PK5 d'entrer dans le quartier.
"On n'a pas les moyens matériels de se défendre contre eux mais on peut surveiller pour donner l'alerte", poursuit la sentinelle, qui évoque les barricades du quartier Castors, près du PK5, avec une pointe d'admiration : "Là-bas, il y a de vrais guerriers, ils sont bien armés"
Certains des jeunes qui tiennent les barrages dans les quartiers de Bangui sont sous l'empire de l'alcool ou de la drogue.À Lakouanga, ils font le tour des maisons pendant la journée pour obtenir quelques francs CFA afin d'organiser la "protection" de leur zone.
- PK5 en état de siège -
Le quartier commerçant du PK5, qui abrite la majorité des musulmans de Bangui, est aujourd'hui pratiquement en état de siège: aux barrages de fortune des jeunes des quartiers alentour, s'ajoutent les check-points des milices armées et des forces de sécurité centrafricaines.
"Il est inadmissible qu'on élève des barricades et qu'on empêche les gens de circuler", a déclaré à l'AFP Vladimir Monteiro, porte-parole de la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca).
A plusieurs reprises, la Minusca est intervenue dans Bangui pour détruire des barrages, essuyant des jets de pierre.Un Casque bleu a été blessé mardi lors de l'une de ces interventions contre un barrage érigé par des jeunes dans un quartier jouxtant le PK5, où l'accès aux soins devient de plus en plus difficile.
"Nous sommes très préoccupés par le manque de respect de la mission médicale", déclare à l'AFP Jean-François Sangsue, chef de la délégation centrafricaine du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Le CICR peine à y faire fonctionner le centre de santé Henri Dunant, géré par la Croix-Rouge centrafricaine.
"Lundi matin, nous avons essayé de procéder à l'évacuation médicale de 17 blessés stabilisés au niveau" de ce centre "dont l'état exigeait leur transfert dans des hôpitaux, mais c'était impossible", déplore M. Sangsue.
Ils ont finalement pu être évacués en début de semaine par des ambulances du ministère de la Santé, sous escorte de la Minusca, excepté quatre d'entre eux, morts des suites de leurs blessures entre temps.
- "Aucun camion ne rentre" -
Même escortées, certaines personnes blessées au PK5 refusent de sortir du quartier, par peur des représailles.
Le 1er mai, un groupe d'individus munis d'armes blanches a fait irruption dans l'hôpital communautaire, à la recherche de patients musulmans.Une personne est morte, selon le CICR.
Dans les quartiers autour du PK5, les barricades entravent la circulation.
"Dimanche, entre le PK5 et Petevo (à environ quatre km au sud), il y avait près de 10 barrages. A pied, on peut passer, mais la circulation des voitures est interdite.Les jeunes cassent les vitres des véhicules qui veulent passer", explique un agent de sécurité, qui a vu son temps de trajet doubler pour aller travailler. "À Kpetene, il y a des snipers musulmans dans les arbres, qui tirent sur les chrétiens", prétend-il.
Ces rumeurs d'attaques, souvent instrumentalisées, attisent la méfiance entre chrétiens et musulmans.
L'impossibilité de circuler étouffe également l'activité commerciale de PK5, souvent décrit comme le poumon économique de la ville.
"Aucun camion ne rentre ou ne sort de PK5 depuis le 1er mai", explique Abdoul Salam, porte-parole de l'association des commerçants de PK5."On est bloqué, il n'y a plus d'activité".
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