"Les détenus ne pouvaient pas sortir de prison depuis décembre dans tout le Gabon, alors qu'il y avait déjà une surpopulation carcérale", a expliqué un responsable des services judiciaires gabonais sous couvert d'anonymat.
Dans tout le pays, aucune audience n'était possible, sauf en référé, en raison de la grève des magistrats, de décembre à février, puis de celle des greffiers débutée en février et qui vient de se terminer vendredi.
"Huit cent personnes sont entrées dans la prison centrale de Libreville en sept mois", selon ce responsable des services judiciaires gabonais.
Surnommée "Sans Famille", la maison d'arrêt de la capitale gabonaise, construite en 1956 pour abriter 300 à 500 détenus, compte aujourd'hui 2.000 personnes.
"Sans Famille" est le seul pénitencier de la capitale.Le projet de construction d'un nouvel établissement lancé en 2013 est toujours en cours.
La prison de Libreville a souvent été dénoncée pour ses conditions de détention par d'ex-détenus, des militants politiques et même des membres du corps judiciaire.
"C'est insalubre, des gens y meurent de maladie.Un de mes clients y est mort l'année dernière après être tombé malade", constate le bâtonnier du Gabon, Me Lubin Ntoutoume.
"Ses coaccusés, détenus depuis 2006 et pour qui j'ai demandé la liberté d'office, sont toujours en prison et n'ont jamais été jugés, alors que la détention préventive dans leur cas ne pouvait durer plus de 10 ans", indique le bâtonnier.
Même en dehors des périodes de grève, "les dysfonctionnements dans la justice sont monnaie courante au Gabon", selon lui.
Pour désengorger les prisons et prévenir de risques d'émeutes, le ministère de la Justice a lancé le 12 juin des "audiences foraines" dans la maison d'arrêt avec des greffiers "ad hoc", qui ne sont pas de la profession.
Depuis mi-juin, 250 personnes ont été jugées et plus d'une cinquantaine sont sorties, explique la source judiciaire.
La fin de la grève des greffiers décidée vendredi et la reprise des audiences correctionnelles devrait permettre la reprise des procédures normales et des sorties de prison dans tout le pays.
- Sept mois sans audiences -
"C'est la catastrophe.Pour cette année judiciaire, la justice a fonctionné un mois en tout et pour tout", résume Me Ntoutoume qui a dû mettre tous ses clients "en attente" et n'en recevait plus de nouveaux.
Seules les audiences en référé et un jugement devant une Cour criminelle spéciale, créée en janvier pour les hauts cadres poursuivis pour des détournements des biens publics, ont pu se tenir entre décembre et juin, explique la source judiciaire.
"Il n'y avait plus de délivrance du casier judiciaire depuis le 1er juin car la grève s'était durcie", ajoute le président du syndicat national des greffiers (Synagref) Me Georges Boupenga.
La colère des magistrats avait été apaisée en février par le départ du ministre de la Justice Francis Nkéa et les greffiers ont décidé de reprendre le travail lundi.
Ils ont obtenu la révision de leur statut particulier, mais sont prêts à reprendre la contestation à la rentrée si cette révision n'est pas adoptée en Conseil des ministres, ou si les discussions ne se poursuivent pas sur d'autres points comme les conditions de travail, explique Me Boupenga.
"Nous les greffiers n'avons pas de plan de carrière et il arrive qu'un retraité ne gagne que 100.000 FCFA (153 euros) par mois, alors que le coût de la vie est cher au Gabon", explique-t-il.
La grève des greffiers est sans précédent depuis plus de dix ans au Gabon où la justice a été touchée par plusieurs grèves depuis trois ans."En 2015 par exemple, les juridictions du commerce et du travail n'ont pas pu fonctionner" se souvient Me Ntoutoume.
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