Dans les rues du centre d'Alger, noires de monde pendant plus de quatre heures malgré des averses régulières depuis le matin, ne flânaient plus que quelques passants à la tombée de la nuit, et les voitures circulaient à nouveau.
En l'absence de chiffres officiels, le nombre des manifestants vendredi est difficile à établir.Des sources sécuritaires ont fait état de "centaines de milliers de personnes" dans les rues du centre d'Alger, précisant que des manifestations ont été recensées dans 42 des 48 wilayas (préfectures) de ce pays pétrolier de 40 millions d'habitants.
"Dégagez tous!" proclamait à l'adresse des dirigeants algériens une banderole, dans l'imposant cortège qui a envahi de façon festive les rues convergeant vers la Grande Poste, bâtiment emblématique au coeur de la capitale et épicentre des manifestations.
La mobilisation à Alger était au moins similaire à celle des deux vendredis précédents, jugée exceptionnelle par les médias et analystes.Le 15 mars, "des millions" d'Algériens avaient envahi les rues du pays, selon des diplomates.
La foule --hommes, femmes et nombreux enfants-- a repris à pleins poumons les chants emblématiques d'un mois de contestation, réclamant le départ du président Bouteflika, de son entourage et du "système" au pouvoir.
- "Le temps qu'il faudra" -
A Oran, deuxième ville du pays, il y a eu "beaucoup de monde" dans les rues, a indiqué à l'AFP un journaliste algérien sur place.
Mobilisation "impressionnante" aussi à Annaba, même si légèrement en deçà de la semaine précédente en raison de fortes pluies durant la nuit et la matinée qui ont inondé certaines routes, et "beaucoup de monde" dans les rues de Batna, 6e ville du pays, selon des journalistes sur place.
A Tizi-Ouzou, en Kabylie, "malgré le froid et des orages, une foule immense a défilé", a assuré à l'AFP un manifestant, Mokrane Zarabi, racontant avoir mis "trois heures pour parcourir 600 mètres, tellement la foule était compacte".
A Béjaïa, autre grande ville de Kabylie, les manifestants étaient aussi nombreux que le vendredi précédent, d'après un journaliste local.
Comme les semaines précédentes, de nombreux manifestants sont arrivés de province dès la veille pour manifester dans la capitale.A l'instar de Younes Laroussi, chômeur de 24 ans venu de Tiaret, à 270 km d'Alger qui a promis de marcher "chaque vendredi, jusqu'à ce qu'il y ait un changement radical (...) de système".
Le drapeau national --vert et blanc frappé de l'étoile et du croissant rouges--, était partout, dans les mains ou sur les épaules, comme aux balcons des immeubles.
Dans l'après-midi à Alger, la police a fait plusieurs fois usage d'un canon à eau et de gaz lacrymogènes pour repousser des manifestants tentant de briser un cordon pour accéder à un axe menant à la présidence de la République.Aucun autre incident n'a été signalé à Alger ou en province, où les manifestations ont également pris fin.
Comme Naima, fonctionnaire de 50 ans, tous les manifestants interrogés à Alger par l'AFP assurent être prêts à marcher le temps "qu'il faudra" pour que M. Bouteflika, son entourage et le "système" s'en aillent.
Mais le président de 82 ans, affaibli par les séquelles d'un AVC qui depuis 2013 l'empêchent de s'adresser de vive voix aux Algériens et rendent rares ses apparitions publiques, refuse de céder le pouvoir.
Face à la contestation déclenchée le 22 février par l'annonce de sa candidature à un 5e mandat à la présidentielle du 18 avril, il a finalement renoncé à se présenter.
Mais il a reporté le scrutin à après une conférence nationale chargée --à une date non précisée-- de réformer le pays et de le doter d'une nouvelle Constitution.Et a prolongé de fait son actuel mandat au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril.
Lors d'une tournée en Europe, le nouveau vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a répété durant la semaine que M. Bouteflika remettrait ses fonctions à un successeur élu lors de cette future présidentielle, une échéance pour l'heure incertaine.
- Fissures -
Si la mobilisation ne faiblit pas dans la rue, côté pouvoir, les efforts du nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui pour former le gouvernement rajeuni de "technocrates" promis aux protestataires, semblent toujours stériles, dix jours après sa nomination.
Et le camp présidentiel est apparu dans la semaine plus divisé que jamais.
Mercredi, le patron de la formation de M. Bouteflika, le Front de libération nationale (FLN), a assuré que l'ancien parti unique, au pouvoir depuis 1962, soutenait le mouvement de contestation, tout en prônant le "dialogue" proposé par le chef de l'Etat.
Du côté du principal allié, le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), Seddik Chihab, a affirmé que le parti s'était "trompé" en soutenant la candidature de M. Bouteflika à un 5e mandat, avant d'être timidement recadré par son parti.
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