Soudan: dispersion des manifestants près du QG de l'armée à Khartoum

Infos. La police anti-émeute soudanaise a dispersé samedi par des tirs de gaz lacrymogènes des manifestants, rassemblés pour la première fois depuis le début de la contestation antigouvernementale près du quartier général de l'armée à Khartoum.

Soudan: dispersion des manifestants près du QG de l'armée à Khartoum

Des milliers de Soudanais ont défilé dans la capitale pour réclamer la démission du président Omar el-Béchir.

Lors de précédents rassemblements, les protestataires avaient tenté à plusieurs reprises de marcher vers des lieux symboliques du pouvoir, comme le palais présidentiel, mais en ont souvent été empêchés par les gaz lacrymogènes tirés par les forces de sécurité.

Pour la première fois samedi, les manifestants ont atteint l'entrée des bâtiments qui abritent le siège de l'armée et le ministère de la Défense dans la capitale Khartoum, ont rapporté des témoins.

Les forces antiémeutes soudanaises ont tiré des gaz lacrymogènes tandis que des contestataires leur ont lancé des pierres avant de se disperser, selon des témoins.

Répondant à un appel de l'Alliance pour la liberté et le changement, fer de lance du mouvement de contestation, les manifestants ont scandé "une armée, un peuple", d'après des témoins.

Au son du principal slogan de la contestation --"Paix, justice et liberté"--, les manifestants ont réclamé le départ du président Béchir, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989.

"Nous n'avons toujours pas accompli notre mission, mais nous avons envoyé un message à l'armée: +Rejoignez-nous+", a dit Amir Omer, un des protestataires.

Adam Yagoub, un autre manifestant, bat le pavé "parce que nous voulons voir Béchir partir", explique ce quadragénaire à l'AFP.

- "Un moment historique" -

Les organisateurs du mouvement, une alliance de partis d'opposition ayant rejoint l'Association des professionnels soudanais, ont affirmé cette semaine que cette marche était destinée à demander à l'armée de "choisir entre son peuple et le dictateur".

Ils ont appelé samedi les manifestants à tenir "ne pas quitter le quartier général de l'armée et de tenir un sit-in dans les rues", disant "espérer que (l'armée) prenne position pour le peuple" lors de ce "moment historique", selon un communiqué.

D'autres manifestants ont atteint un bâtiment de l'armée à Madani, une ville au sud-est de Khartoum, selon des témoins.Des rassemblements antigouvernementaux ont également eu lieu d'autres quartiers de la capitale et à Omdourman, ville jumelle de Khartoum, d'après d'autres témoins.

Pour un diplomate européen, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, "la participation aujourd'hui était très impressionnante". 

"Cela renforce la pression sur Béchir et le régime, et cela montre que le mouvement de contestation ne s'essouffle pas", estime-t-il.

Déclenchées le 19 décembre 2018 par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées à travers le pays en mouvement de contestation contre M. Béchir.

Celui-ci a refusé de démissionner et fait face à son plus grand défi depuis son arrivée au pouvoir, estiment des experts.Après avoir tenté de réprimer la contestation par la force, il a instauré l'état d'urgence dans tout le pays le 22 février.

Depuis, les manifestations sont restées principalement cantonnées dans la capitale et Omdourman.

La date choisie est symbolique puisqu'elle marque l'anniversaire de la révolte du 6 avril 1985, qui avait permis de renverser le régime du président Jaafar al-Nimeiri.

- Lourd dispositif de sécurité -

"Un important dispositif de sécurité" a été mis en place samedi avant même que ne débutent les manifestations, a affirmé à l'AFP un témoin sous couvert de l'anonymat. 

Des témoins ont rapporté avoir vu des agents en civil se fondre dans la foule pour empêcher les passants d'atteindre le centre-ville. Les magasins et marchés de Khartoum ont reçu l'ordre de fermer avant les manifestations, ont précisé d'autres témoins.

"Ceux qui marchaient en groupe ont été immédiatement arrêtés ou ont été priés de rentrer chez eux par les forces de sécurité", ont-ils dit. 

Ces derniers jours, des militants avaient fait circuler des tracts pour appeler à manifester, selon des habitants.

Depuis l'instauration de l'état d'urgence, plusieurs manifestants ont été arrêtés pour avoir participé à des rassemblements non autorisés et jugés par des tribunaux d'exception.L'ampleur et l'intensité des manifestations ont alors fortement baissé.

Depuis décembre, le puissant service de renseignement a arrêté des centaines de manifestants, leaders de l'opposition, militants et journalistes, selon des ONG.

Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le début des manifestations.L'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts.

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