Les manifestations, qui ont débuté le 19 décembre, ont été jusqu'à présent dispersées par les services de sécurité mais pas par l'armée.Un contestataire est mort samedi à Omdourman, la ville voisine de Khartoum, selon la police.
Réunis pour la deuxième journée de suite devant le complexe abritant le siège de l'armée, le ministère de la Défense et la résidence du président, les manifestants ont scandé "le Soudan se libère, l'armée se libère", selon des témoins.
"Après ce que nous avons fait hier (samedi), nous ne partirons pas tant que notre mission n'est pas accomplie", a déclaré Oussama Ahmed, un des nombreux protestataires à avoir passé la nuit sur place.
"Nous ne partirons pas d'ici tant qu'il ne démissionne pas", a-t-il ajouté en référence au président Béchir, 75 ans et au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989.
Des milliers d'hommes et de femmes ont tenu samedi le plus grand rassemblement jamais organisé depuis le début de la contestation en décembre, certains parvenant à atteindre le QG de l'armée pour la première fois.
- "Choisir" -
Lors de précédents rassemblements, les protestataires avaient tenté à plusieurs reprises de marcher vers des lieux symboliques du pouvoir, comme le palais présidentiel, mais en avaient souvent été empêchés par les gaz lacrymogènes tirés par les forces de sécurité.
Les organisateurs du mouvement, une alliance de partis d'opposition ayant rejoint l'Association des professionnels soudanais, ont affirmé cette semaine que le rassemblement était destiné à demander à l'armée de "choisir entre son peuple et le dictateur".
Samedi, ils ont dit "espérer que (l'armée) prenne position pour le peuple", selon un communiqué.
"Nous appelons notre peuple dans des secteurs près de Khartoum à se joindre à ceux qui sont au QG de l'armée", ont-ils déclaré dimanche dans un communiqué.
Des groupes d'hommes, de femmes et d'enfants sont venus dimanche de plusieurs endroits de la capitale pour rejoindre le rassemblement devant le QG de l'armée, selon des témoins.
Les manifestants ont chanté des refrains nationalistes et frappé des mains, alors que la police antiémeute a tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser, a indiqué un témoin à l'AFP.
Des contestataires ont salué de la main des véhicules militaires entrant dans l'enceinte du QG.
D'autres ont bloqué à l'aide de pierres un pont se trouvant à proximité du QG et reliant Khartoum au secteur de Bahari, plus au nord, provoquant d'importants embouteillages, d'après des témoins.
Plusieurs entreprises privées ont déclaré ce dimanche comme chômé et d'autres ont organisé l'acheminement d'eau et d'en-cas pour les manifestants, ont rapporté des témoins.
Déclenchées le 19 décembre par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées à travers le pays en mouvement de contestation contre M. Béchir, à la tête d'un pays en proie à une grave crise économique.
Celui-ci a refusé de démissionner et fait face à son plus grand défi depuis son arrivée au pouvoir, estiment des experts.Après avoir tenté de réprimer la contestation par la force, il a instauré l'état d'urgence dans tout le pays le 22 février.
Depuis le début du mouvement, 32 personnes sont décédées, selon les autorités. L'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre d'au moins 51 morts.
- "Pari perdant" -
Plusieurs manifestants ont été arrêtés pour avoir participé à des rassemblements non autorisés et jugés par des tribunaux d'exception.
"L'ampleur des manifestations de samedi montre que le pari de Béchir, d'arriver à sauver son régime grâce à la répression, est un pari perdant", selon Murithi Mutiga du centre d'analyses International Crisis Group (ICG).
La mobilisation avait nettement baissé ces dernières semaines avant la journée de samedi, dont la date n'avait pas été laissée au hasard puisqu'elle marque l'anniversaire de la révolte du 6 avril 1985, qui avait permis de renverser le régime du président Jaafar al-Nimeiri.
Le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères.
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