La crise s'envenime dans le pays en proie depuis décembre à un mouvement de contestation inédit qui a poussé à la destitution le 11 avril par l'armée du président Omar el-Béchir qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis près de trois décennies.
Tirant leurs forces des milliers de manifestants qui campent depuis le 6 avril devant le QG de l'armée à Khartoum, les chefs de la contestation réclament désormais un transfert rapide du pouvoir à une autorité civile.
Le Conseil militaire de transition qui a succédé à M. Béchir est accusé d'atermoyer sur un transfert du pouvoir après plusieurs réunions avec l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui représente les manifestants.
"Les formes d'escalade sont (déjà) définies: poursuivre les sit-in et préparer un mouvement de désobéissance civile", a déclaré à la presse l'un des chefs de la contestation, Khaled Omar Youssef.
Il a jugé "décevantes" les réponses des généraux aux propositions de son groupe et estimé qu'elles risquaient de plonger le pays dans une "situation dangereuse".
Dans un premier temps, l'ALC, dont des représentants laïcs venant notamment du Parti communiste, ont publié un communiqué comportant leur réponse aux réserves du Conseil militaire à leur vision de la période de transition.
"La réponse du Conseil militaire va dans le sens d'une prolongation des négociations et non vers une transition" rapide, a souligné l'alliance.
- La charia -
Les généraux ont déclaré mardi qu'ils étaient d'accord avec la plupart des propositions de l'ALC sur la transition, tout en faisant état de "beaucoup de réserves" sur d'autres.
Ils ont soulevé surtout la question de la charia (loi islamique), en estimant qu'elle devait rester la source de la législation, et en reprochant à l'ALC de ne pays l'avoir mentionnée dans leurs propositions.
Pour l'ALC, les généraux ont soulevé "des questions non pertinentes, y compris celles de la langue officielle du pays et des sources de la législation dans une répétition ennuyeuse des surenchères de l'ancien régime".
Le régime du président déchu appliquait la charia, ce qui avait donné lieu, selon les défenseurs des droits humains, à des abus comme la flagellation de femmes pour "comportement indécent".
"Nous appelons le Conseil militaire à conclure un accord pour transférer le pouvoir aux forces révolutionnaires", ont ajouté les dirigeants de la contestation.
Selon des experts, la question sur la nature du régime pendant la période de transition et au-delà devrait être soumise à référendum après une réflexion nationale.
Outre la charia, le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbachi, a exprimé d'autres réserves.
Selon lui, le Conseil est d'avis que la déclaration de l'état d'urgence devait revenir à un "conseil souverain" et non au gouvernement comme le proposent les leaders des manifestants.
Les deux parties divergent sur la composition du "Conseil souverain": l'ALC exige qu'il soit dominé et dirigé par des civils, et les généraux insistent pour y garder la main haute.
- Elections -
Autre point de désaccord: les civils veulent une période de transition de quatre ans alors que les militaires considèrent qu'elle peut être de deux ans seulement, a dit le général Kabbachi.
De même, les chefs de la contestation ont rejeté l'idée d'élections générales dans un délai de six mois en cas d'échec du processus de transition, avancée par les généraux.
Cela ne servira, selon eux, qu'à "légitimer" l'ancien régime qui continue d'avoir d'importants relais dans l'administration.
Mardi, l'un des chefs de l'ALC, Mohamed Naji al-Assam, a réitéré l'opposition de l'alliance à toute participation des figures de l'ancien régime à la période de transition.
"Le succès de la révolution repose sur le transfert du pouvoir à une autorité civile à part entière", a-t-il dit.
L'une des figures de ce régime, l'ancien patron du renseignement, Salah Ghosh, a été placé en résidence surveillée, a indiqué le général Kabbachi pour souligner la volonté du Conseil militaire de rompre avec l'ère Béchir.
Déclenché le 19 décembre pour protester contre la décision du gouvernement de tripler le prix du pain dans un pays à l'économie exsangue, le mouvement populaire s'est rapidement transformé en contestation inédite contre M. Béchir, qui avait pris le pouvoir par un coup d'Etat en 1989.
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