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L'ONU dénonce des pillages au Soudan et veut des garanties pour l'aide

Un haut responsable de l'ONU a exigé mercredi des garanties pour pouvoir acheminer de l'aide humanitaire au Soudan, dont les habitants sont toujours pris dans les combats au mépris d'une trêve qui pourrait être prolongée d'une semaine à minuit.

AFRICA RADIO

3 mai 2023 à 16h21 par AFP

Khartoum (AFP)

L'armée et les paramilitaires s'accusent mutuellement d'ignorer la trêve, qui permet surtout, selon des experts, des évacuations sécurisées de civils et la poursuite de négociations indirectes à l'étranger.

Des "affrontements et des explosions" se sont produits mercredi à Khartoum, a témoigné un habitant, tandis qu'un autre a fait état d'avions militaires survolant la capitale.

Les combats ont fait depuis le début des hostilités au Soudan, le 15 avril, au moins 550 morts et près 5.000 blessés, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, très probablement sous-évalués.

A 850 kilomètres à l'est de Khartoum, dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par la violence, le coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, Martin Griffiths, a lancé un cri d'alarme.

Il a réclamé des garanties des deux belligérants, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, le général Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), engagés dans une lutte mortelle pour le pouvoir.

"Les assurances générales doivent être traduites en engagements spécifiques", a plaidé Martin Griffiths, assurant avoir eu dans la matinée le général Burhane au téléphone avec l'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes.

Il a annoncé que six camions de l'ONU ont été "pillés" mercredi alors qu'ils étaient "en route" vers le Darfour, dans l'ouest du pays, où ont eu lieu les pires combats.

Les violences ont fait, selon l'ONU, une centaine de morts depuis la semaine dernière dans cette région déjà traumatisée par la guerre sanglante qui avait éclaté en 2003 entre Khartoum et des rebelles issus de minorités ethniques.

Trois humanitaires de l'ONU ont été tués au Darfour au début des combats et les stocks des organisations humanitaires, agences de l'ONU et hôpitaux ont été pillés et saccagés.

Au Soudan, l'un des pays les plus pauvres du monde, un habitant sur trois dépendait déjà de l'aide humanitaire avant la guerre.

- "Accord de principe" -

Le Soudan du Sud a lui annoncé "un accord de principe" sur une trêve "du 4 au 11 mai" entre les belligérants. Aucune des deux parties n'avait réagi à cette annonce mercredi après-midi.

Les FSR ont diffusé cette semaine des images de leurs hommes brandissant des armes dans la cour du palais présidentiel saccagé à Khartoum.

L'Arabie saoudite, médiatrice dans ce conflit, a fait état mercredi d'une attaque et du pillage par "un groupe armé" de son bureau culturel dans la capitale soudanaise.

Les combats ont déplacé plus de 335.000 personnes et poussé 115.000 autres à l'exil vers les pays voisins, selon l'ONU qui s'attend à huit fois plus de réfugiés.

Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, estime que "toute la région pourrait être affectée".

"Nous faisons tout notre possible pour que des discussions aient lieu", a-t-il dit, alors que l'Egypte, pays frontalier du Soudan, accueille "déjà des millions de Soudanais" et d'autres réfugiés malgré la pire crise économique de son histoire.

Les Soudanais restés à Khartoum sont confrontés à d'importantes pénuries d'eau, d'électricité et de nourriture, une "catastrophe" selon l'ONU.Les étrangers continuent, eux, d'être évacués par centaines, surtout via Port-Soudan, sur la mer Rouge.

Sur le front diplomatique, le Soudan du Sud n'est pas seul à la manoeuvre.

M. Perthes a affirmé que les deux belligérants se sont dits prêts à "entamer des discussions techniques" pour un cessez-le-feu uniquement, probablement en Arabie saoudite, un pays qui entretient des liens avec les deux généraux rivaux.

- "Pression stratégique" -

Le général Burhane et le général Daglo avaient mené ensemble le putsch d'octobre 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir deux ans plus tôt. Mais ils ne sont pas parvenus à s'accorder sur la question de l'intégration des FSR dans l'armée.

Un émissaire du général Burhane s'est rendu ces derniers jours à Ryad puis au Caire.

Mercredi, l'Organisation de la coopération islamique s'est réunie en Arabie saoudite pour discuter du Soudan, alors que l'Union africaine appelait à éviter "une action dispersée" qui empêcherait une "reprise du processus politique".

Pour Ernst Jan Hogendoorn, spécialiste du Soudan au Atlantic Council, la communauté internationale doit "mettre une pression de façon stratégique" en gelant les comptes bancaires et en bloquant les activités commerciales des belligérants, afin de réduire leurs capacités à "combattre et se réapprovisionner".